G.H.C. Bulletin 9 : Octobre 1989 Page 67

DEPUTES A LA CONSTITUANTE :
NADAL DE SAINTRAC ET SES ENFANTS

est curieux d'ailleurs de noter que les Gardes du Corps du 
Roi vont jouer un rôle dans la vie de NADAL de SAINTRAC  :
l'un, VARICOURT, épouse sa fille et un autre,  détruit  sa
maison. En effet, ROUX FAZILLAC fut l'un des rares  Gardes
du Roi à avoir embrassé les idéaux de la Révolution.

                        Emigration

     Pendant la Révolution la famille  NADAL  de  SAINTRAC
va, comme la plupart des "habitants" de Guadeloupe,  vivre
l'émigration en Martinique. C'est là, en la paroisse Saint 
Louis de Fort-de-France,  que  Joseph  Dieudonné  Bertille
NADAL de SAINTRAC épouse le 3 novembre  1801  mademoiselle
Marie Victoire Rose Pierre FONTANNE de LILLE, fille de feu 
Jean Baptiste Charles Aimé et  de  dame  Magdelaine  Marie
Rose EMERIGON. Quant aux parents du  marié  "ils  résident
depuis quelques années en la ville et parois e  de  Saint-
Pierre." Si le père n'est pas présent,  "Madame  de  BOVIS
SAINTRAC" signe au registre.  

                   Retour en Guadeloupe

     Dès 1802, les différents arrêtés consulaires  suppri-
mant les listes  d'émigrés  et  ordonnant  le  retour  des
propriétaires, ou celui stipulant que "la  colonie  de  la
Guadeloupe et dépendances sera  régie  à  l'instar  de  la
Martinique, de Sainte-Lucie, de  Tabago  et  des  colonies
orientales par les mêmes lois qui y étaient en vigueur  en
1789", firent revenir  tous  ceux  qui  avaient  fui  pour
conserver leur vie. C'est sûrement à cette  date  que  re-
vient en Guadeloupe  "Thérèse  BOVIS  épouse  de  Monsieur
NADAL SAINTRAC juge du Tribunal de  première  instance  de
Pointe-à-Pitre" qui décède à Basse-terre le 7 mars 1806  à
2 h 1/2, rue du Sable, âgée de 50 ans. 
     Mais "la vie continue" et en "l'an sixième  de  l'Em-
pire de Napoléon", le 8 juin 1809, au Lamentin  de  Guade-
loupe, Monsieur Amand BéRANGER  vient  déclarer  que  dame
Marie Victoire Rose Pierre FONTANNE de LILLE épouse  légi-
time de feu Monsieur Joseph Dieudonné  Bertille  NADAL  de
SAINTRAC était accouchée le 30 mai  d'un  enfant  du  sexe
masculin, issu de leur légitime mariage, dont  elle  était
enceinte lors du décès de son époux, auquel  il  donne  le
prénom de Louis. C'est donc le troisième enfant du couple.
     Ce Monsieur BéRANGER qui vient présenter l'enfant  va
bientôt devenir son oncle par alliance. En  effet,  le  22
juin 1809, "sixième du règne de  Napoléon",  comparaissent
au Lamentin pour contracter mariage le dit Amand BéRANGER, 
domicilié à Pointe à Pitre, 33 ans, natif d'Elbeuf  dépar-
tement de  Seine-Inférieure,  fils  du  feu  sieur  Benoît
BéRANGER,  bourgeois  d'Elbeuf,  et  de  dame   Marguerite
TROUETTE survivante, domiciliée à Elbeuf, d'une  part,  et
d'autre part dame Marie Jeanne  Thérèse  de  SAINTRAC,  30
ans, née à Basse Terre, demeurant au  Lamentin,  veuve  en
premières noces de feu  Monsieur  Louis  Marie  Joseph  de
VARICOURT, fille de feu Monsieur Jean NADAL  de  SAINTRAC,
juge du tribunal de première instance de  cet  arrondisse-
ment et de feue dame Marie Catherine BOVIS.
     Il ne me semble pas qu'ils soient restés  très  long-
temps en Guadeloupe car en 1825 Madame BéRANGER  demeurait
à Paris d'où elle réclamait  les  biens  de  son  père  en
Dordogne. Elle déclarait "être  séparée  de  corps  et  de
biens de son mari." Je ne sais ce qu'e t  devenu  ce  der-
nier; les honneurs ne lui avaient sans  doute  pas  manqué
car lors du décès de son épouse elle est  dite  "veuve  du
Comte BéRANGER". Marie NADAL de SAINTRAC est donc  décédée
à Paris, 31 rue Saint-Lazare, le 29 août  1845,  rentière,
âgée de 68 ans (5). Son acte de décès  porte  qu'elle  est
née à Paris.  Cette  erreur  tendrait  à  prouver  qu'elle
possédait peu de chose, et surtout pas de  papiers  d'Etat
Civil exacts. A ma connaissance, il n'y a pas eu  d'inven-
taire après décès.
 Je n'ai pu savoir ce qu'est devenu son fils, né à la Mar- 
tinique du mariage avec ROUPH de VARICOURT.

            L'assassinat : le mystère éclairci

     J'en viens maintenant au document capital, inconnu  à
ce jour, qui donne les vraies raisons de la mort de  Louis
Joseph Bertile Dieudonné NADAL de SAINTRAC,fils du député. 
On avait laissé entendre qu'il avait été assassiné par des 
nègres marrons. Que nenni. S'il y a  assassinat,  il  y  a
enquête; celle-ci va être diligentée par le commissaire de 
justice BERTOLIO, celui-là même  qui  fut  nommé  à  titre
définitif à la place de NADAL de  SAINTRAC  père  nommé  à
titre provisoire. Il est impossible dans le cadre  de  cet
article de retranscrire les quatre grandes  pages  serrées
du récit auxquelles je renvoie le lecteur intéressé. Elles 
sont résumées en citant  intégralement  les  passages  les
plus importants. Donc le 16 décembre 1809, le  commissaire
de justice de Guadeloupe BERTOLIO écrit  au  ministre  une
longue notice sous le titre "Mort de SAINTRAC fils". (6)  
Les attendus
     "A peine la nomination  de   M.  DESMARAIS  fils  fut
connue que M. de SAINTRAC  père   réclama  avec  force  et
véhémence  pour  M. son fils. Il se fonda  d'abord  sur un 
prétendu passe-droit, M. son fils étant plus ancien asses- 
seur que M. DESMARAIS fils, et de plus   confirmé  par  le
Décret Général. Il fit la comparaison de leurs talents  et
connaissances à l'avantage de  M. son fils; venant ensuite 
aux services rendus à l'Etat   et à  la  Colonie  par  les
deux pères, il affirma que les siens  égalaient  au  moins
ceux de M. DESMARAIS père  et le public lui donna  raison.
Je fis mes efforts  pour le calmer. Le décès de M.  de  LA
RONCIèRE fit vaquer une place  à la Cour  d'Appel.  M.  de
SAINTRAC fils y fut nommé. 
     Depuis cette nomination, tous les malheurs ont affli- 
gé la famille SAINTRAC. Le père mourut  accablé  d'années,
d'infirmités et de chagrins. Peu de temps après, le fils a 
péri de la manière la plus affreuse et la plus  inattendue
(...)
     Tout retentissait alors des annonces d'une  prochaine
descente des anglais.  Tout  avait  été  appelé  sous  les
drapeaux français et sous les ailes de  l'aigle  impérial;
une grande fermentation  régnait  dans  les  esprits,  les
côtes del'île  étaient  infestées  de  croiseurs  anglais;
leurs barges jetaient à terre des pelotons de brigands. Il 
n'était point douteux que des Habitants de la Grande-Terre 
avaient établi des signaux,  entretenaient  des  relations
avec les bâtiments ennemis, communiquaient avec eux et que 
plusieurs s'étaient rendus à Marie-Galante et à la  Marti-
nique pour traiter et prendre des mesures avec  les  Chefs
Britanniques. 
     Dans ces circonstances orageuses, tout à coup  M.  de
SAINTRAC fils disparut. On savait  seulement  qu'il  était
sorti de la Pointe à Pitre, tel jour, à cheval, accompagné 
d'un domestique nègre, et qu'en route il s'était séparé de 
son domestique auquel il avait donné ordre de le  précéder
sur son habitation.
     Les choses restèrent dans cet état pendant  plusieurs
jours. Rien ne soulevait même quelques  parties  du  voile



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