G.H.C. Bulletin 15 : Avril 1990 Page 117

Monseigneur Jean MASTON, premier prélat guadeloupéen
Michelle Rostant

     A l'heure actuelle,  peu de créoles  savent  qui  fut
Monseigneur Jean Maston, premier guadeloupéen  levé  à  la
dignité de Prélat; ils seront peut-être intéressés par ces
quelques notes.

  En 1794 arrive à la Guadeloupe, parmi la suite  du  con-
ventionnel Victor  Hugues,  Jean Baptiste  Maston,  né  en
1770 ou 1771 à La Gord (arrondissement de La Rochelle). Il 
est fils de Louis Maston et de Marie Clieu.
  Probablement commerçant, il s'installe en  Grande  Terre
et épouse le 13 septembre 1814 Marie Eulalie Bernard, dont 
il a un premier fils Jean Baptiste, né à  Saint  François.
Très tôt veuf, il se fixe à La Désirade où il contracte un 
second mariage avec Marie Françoise Seveaux  en  1819.  Ce
mariage le fait entrer dans le milieu des habitants coton- 
niers alors prospères.   

  De ce deuxième mariage, il a quatre  enfants:  Françoise
Sophie (1820), Laurenti (1824), Jean  François  (1826)  et
Gaëtan (1829). Parmi eux, Laurenti est qualifié de "démon" 
par les Désiradiens alors qu'ils appellent Jean  François:
"l'ange". Jean Baptiste,  Françoise,  Laurenti  et  Gaëtan
font  souche à La Désirade en s'alliant principalement aux
familles ROBIN, HAUT, PIC, DEVARIEUX, COSTEDOAT et  SAINT-
AURET, leurs nombreux descendants habitent aujourd'hui non
seulement La Désirade mais aussi le  reste  de  la  Guade-
loupe.

  Jean (1), lui opte pour la prêtrise. Envoyé par son père
en Métropole  pour  ses  études,  il regrette  son  île  à
laquelle il est passionnément attaché.
  Dans les brumes de Paris (2), il pense à ce  morceau  de
rocher perdu dans l'Atlantique, battu par les vents et une
mer trop souvent démontée. Il compose alors une  sorte  de
complainte nostalgique qui est toujours  chantée  dans  sa
famille; l'un des couplets décrit si bien l'île  que  l'on
croit la voir:

      "On dirait d'un vaisseau renversé sur la rive,
       Opposant sa carène à la fureur du vent,
       On dirait d'un tombeau que la mauve plaintive
       Effleure de son aile en un jour d'ouragan"

  Aussi, dés son ordination en 1850, il revient en  Guade-
loupe où il exerce son sarcerdoce comme curé au  Moule,  à
Ste Anne, Grand Bourg et Camp Jacob.
  C'est du Moule, où il a retrouvé une bonne partie de  sa
famille émigrée après l'abolition de  l'esclavage  (qui  a
ruiné les cotonniers) qu'il effectue tous les  samedis  le
service de La Désirade; quel que soit l'état de la mer  et
du temps, il assure la messe à ses compatriotes alors bien 
isolés et délaissés.
  Il devient Supérieur Général  du  séminaire  et  Vicaire
Général de la Guadeloupe. Nommé  Protonotaire  Apostolique
et Coadjuteur, il remplace l'évêque en titre, lors de  ses
absences, à la tête du diocèse. Il accompagne  aussi  Mon-
seigneur FORCADE au Premier Concile du Vatican en 1869.  

  En 1899, un violent cyclone ravage La Désirade,  Monsei-
gneur Maston  contribue  sur  ses  propres  deniers  à  la
reconstruction de l'Eglise, car toutes les souffrances  de
son île le touchent profondément...
  Enfin l'âge se faisant sentir, il prend sa retraite à 70   
ans. Mais il ne renonce pas pour autant au service de ses   
frères.
  Partant de sa propriété de Montéran (Saint Claude) où il 
s'est retiré, il sillonne les routes avoisinantes dans une 
vieille voiture attelée  d'un  vieux  cheval,  attentif  à
toutes  les  misères  qu'il  rencontre.  Lui-même  est  un
vieillard bien conservé, aux cheveux de neige, aimable  et
souriant. 
  
  Hélas, un jour on ne vit plus la vieille voiture, ni  le
beau vieillard. Il s'était éteint à l'âge de 84 ans le  20
janvier 1910 après une vie bien remplie.
  La tradition familiale a gardé son souvenir comme  celui
d'un être particulièrement généreux et la mémoire du  "bon
tonton l'Abbé" est restée vivace dans sa descendance.

Notes :
(1) A l'état civil il fut déclaré sous le prénom  de  Jean
François, mais il ne porta que celui de Jean.
(2) Il fit ses études au Séminaire Saint Sulpice à Paris.
Sources :   
- A.D.Guadeloupe, Etat civil de La Désirade.
- Revue catholique du Diocèse de la Guadeloupe:  "Echo  de
  la Reine".
- R.P.Fabre: "De clochers en clochers".
- Tradition familiale.



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Révision 26/08/2003