G.H.C. Bulletin 19 : Septembre 1990 Page 188

1660 : LES CARAIBES SUR LES BRAS !

  En fait les dissensions furent nombreuses et  prolongées
entre HOUEL et les BOISSERET (Jean meurt en 1655 et il est
alors  remplacé par sa veuve et ses enfants).  Charles  de
BOISSERET  sieur d'HERBLAY était le fils aîné et représen-
tait  en  Guadeloupe les intérêts du reste de  la  famille
BOISSERET.  En juillet-août 1659,  juste un an avant cette
lettre,  il  y eut un arbitrage partageant  la  Guadeloupe
entre  les terres d'HOUEL et les terres des BOISSERET,  ce
qui  apparaît  dans  le texte de la  lettre  d'HINSELIN  à
d'HERBLAY (les caraîbes "s'attaqueront aux colonies dépen-
dantes  de  la Guadeloupe sans s'informer  si  elles  sont
vôtres ou non" et, plus loin "vous exposez les Saintes, la
Grande-Terre et ce qu'il y a de dépendant de M. le Gouver-
neur")  et  dans le recensement de 1664,  établi  lors  du
passage  des  seigneurs-propriétaires à la  Compagnie  des
Indes Occidentales.

  Charles  HOUEL  avait  épousé  en  1654  Anne   HINSELIN
("Madame").  fille de Pierre, conseiller du roi et correc-
teur en la Chambre des Comptes, et de Madeleine GILLOT.
Pierre  HINSELIN,  l'auteur de cette lettre était donc  le
beau-frère  de  Charles HOUEL.  Il le  remplaçait  en  son
absence.  Plus tard, après avoir été lieutenant du gouver-
neur DU LION,  il succèdera à celui-ci comme gouverneur de
la Guadeloupe de 1679 à sa mort en 1694.

MARIVET
Il s'agit d'un Caraïbe.  Dutertre parle d'un MARIVET, fils
du Capitaine BARON,  mais qui meurt en 1654.  Cette lettre
datant de 1660,  ce ne peut être le même.  Cependant  nous
nous  demandons s'il ne s'agit pas ici du Capitaine BARON,
HINSELIN,  pressé par le temps, ayant confondu les noms du
père  et  du fils,  car la mort de ce dernier  avait  sans
doute frappé son imagination, surtout à cause du risque de
guerre avec les Sauvages qu'elle faillit  entraîner,  cir-
constances dans lesquelles il se  retrouve,  comme,  avant
lui,  le  Chevalier  HOUEL,  qui,  lui  aussi,  remplaçait
Charles HOUEL.

Voici ce que dit Dutertre de BARON et de son fils MARIVET,
vous jugerez vous-même.(I, p. 88 et 470) :
En 1636, un an après l'arrivée de L'OLIVE et DUPLESSIS, et
quelques mois après la mort de ce dernier,  L'OLIVE décida
d'exterminer  les "Sauvages".  La majorité se cacha;  deux
furent pris et massacrés;  deux autres faits  prisonniers.
"L'un des deux appelé MARIVET, fils du Capitaine BARON, si
connu dans les Isles par l'inclination qu'il a toujours eu
pour  les Français,  jugeant bien qu'il ne serait pas plus
favorablement traité que les autres, qu'il avait vu massa-
crer,  prit l'occasion d'une falaise d'une hauteur  prodi-
gieuse,  de  laquelle  il  se précipita en  bas  dans  des
haziers  et dans des ronces,  sans se rompre aucun membre.
Quoiqu'il se fut déchiré tout le corps,  il ne laissa  pas
de se rendre le même jour à cinq lieues de là,  où étaient
les autres Sauvges avec les femmes et les enfants;  il les
avertit  de  ce  qui  s'était passé et  de  la  résolution
furieuse des Français, qui ne les cherchaient que pour les
mettre à mort.
Je ne puis oublier la douceur et la bonté naturelle de  ce
jeune  Sauvage,  qui montre bien qu'ils ne le sont que  de
nom  et  que le dérèglement de la colère rendait nos  gens
plus sauvages et plus barbares qu'eux."

En  1654,  Charles HOUEL partit pour France pour tâcher de
racheter sa part de l'île à son beau-frère BOISSERET (voir
la notice sur HOUEL). Il laissa le commandement de l'île à
son frère Robert,  dit le Chevalier HOUEL,  et à son neveu
BOISSERET  (qui sera appelé d'HERBLAY après la mort de son
père). Or, "le Capitaine BARON, de tout temps grand ami de
M.  HOUEL, étant venu avec sa pirogue pleine de Sauvages à
Marie Galante",  le Commandant de l'île l'enivra, il y eut
une  bagarre  et le Commandant mit BARON  aux  fers,  puis
avertit  le Chevalier qui lui donna ordre de le mettre  en
liberté et de le lui envoyer, ce qui fut fait.
"Cependant  les enfants du BARON et les  autres  Sauvages,
ennuyés de n'avoir point de ses nouvelles, résolurent d'en
aller  apprendre  à Marie Galante;  mais il ne furent  pas
plus  tôt arrivés que trois de cette bande furent  arrêtés
et passés par les armes,  entre lesquels était MARIVET, le
plus jeune des enfants du BARON.

  Cette  nouvelle en étant venue à la Guadeloupe,  l'on ne
put empêcher que le BARON ne la sût et qu'il n'apprît  que
l'un  de  ses fils avait été tué à Marie  Galante.  Il  en
témoigna  d'abord  un extrême regret,  mais  le  Chevalier
l'ayant  un peu apaisé,  il lui dit que,  pourvu que ce ne
fût pas son cadet,  qu'il aimait plus que lui-même,  il se
consolerait;  mais  ayant appris que c'était lui-même  que
l'on  avait fait mourir,  il devint  inconsolable.  Il  se
jetait par terre s'arrachant les cheveux, hurlait comme un
taureau et faisait cent autres choses qui marquait l'excès
de  sa douleur.  Il fit tout ce qu'il put pour s'échapper,
afin d'aller exciter les autres Sauvages à venir venger la
mort  de son fils." Le Chevalier eut toutes les peines  du
monde  à  le  calmer;  n'y parvenant  pas,  il  réussit  à
"persuader  aux autres Sauvages que la guerre leur  serait
désavantageuse" et sauva ainsi la paix avec les Sauvages.

Jean JARDIN
Il  est  cité,  dans le traité de 1660  évoqué  ci-dessus,
comme "Français de nation,  parlant et entendant la langue
des Sauvages" et sert donc d'interprète.
Le  père Chevillard (p.  119) le dit "dieppois" et  envoyé
par  HOUEL  "vers les idolâtres Caraïbes,  pour tâcher  de
découvrir  le  sujet  du  massacre  qu'avaient  fait   ces
Barbares  à Marie-Galante." (1653 :  pour se venger  d'une
attaque  et  d'un pillage fait par des martiniquais  à  la
Dominique)
Jean  JARDIN  est recensé en 1664 dans le quartier  de  la
Rivière  des Habitants à la Rivière Duplessis,  âgé de  43
ans,  avec trois engagés,  six nègres et Françoise,  mula-
tresse de 11 ans.

Par   la  suite  apparaît  Anne  JARDIN,   épouse  d'Isaac
LEVASSEUR  dit  DUBUISSON,  qui est très  probablement  sa
fille puisque,  au recensement de 1671,  on retrouve  Jean
JARDIN en Grande-Terre,  au quartier Sainte Anne,  dans la
"case" d'Isaac LEVASSEUR et Anne JARDIN.  Ceux-ci sont les
parents   de  Jeanne  LEVASSEUR  épouse  COURDEMANCHE   de
BOISNORMAND   puis  LEMERCIER  de  LA  CLERTIèRE,   d'Anne
LEVASSEUR,  épouse YVER de VILLIERS puis VILLERS AU TERTRE
puis CHARROPPIN DUBOIS,  et d'autre Isaac LEVASSEUR  époux
de  Marie  Anne  CLASSE :  que des "grandes  familles"  de
Guadeloupe ... belle postérité de l'interprète dieppois!

Monsieur POTEL
Dutertre (I p.  424 et II p.  398) parle du "sieur POSTEL,
l'un  des mieux entendus des Isles en fait  d'habitation",
envoyé par le Gouverneur de la  Guadeloupe,  AUBERT,  vers
1640-1643,  visiter  l'île de la Grenade pour  reconnaître


Page suivante
Retour au sommaire



Révision 26/08/2003