G.H.C. Numéro 36 : Mars 1992 Page 538

LA RECHERCHE GENEALOGIQUE EN HAITI
Peter J. Frisch

     Le  plus souvent,  le public non avisé pense  que  la 
recherche généalogique en Haïti est très difficile,  sinon 
impossible.  Or,  bien que les difficultés soient réelles, 
les  chercheurs peuvent arriver à établir leur  généalogie 
haïtienne. Afin de parvenir à cette fin, il faut connaître 
les  particularités   de  la recherche  en  Haïti  et  ses 
contraintes, et ainsi arriver à les surmonter.
 
Difficultés d'ordre structurel

     Les  collections de registres de l'état civil de 1804 
à  nos  jours ne sont pas complètes et varient  selon  les 
communes.   En  effet,  les  conditions  climatiques,  les 
insectes,  les incendies et une histoire agitée ont  coûté 
cher  à l'état civil haïtien du XIX° siècle.  Bien que les 
Archives   nationales  à  Port-au-Prince  détiennent   les 
collections les plus complètes pour le pays, elles ne sont 
pas exhaustives.

Jusqu'à  ce jour,  des registres non intégrés aux Archives 
nationales   peuvent   encore  être   trouvés   dans   les 
collections  communales.  Les cas les plus frappants  sont 
pour  les communes du Nord.  Les Archives nationales n'ont 
aucun registre pour la période allant  de 1804 à 1843.  En 
revanche,  ces registres existent aux greffes du  Tribunal 
civil  du Cap-Haïtien.  Les causes de  cette  irrégularité 
sont d'ordre historique. Ces registres couvrent la période 
durant  laquelle le Nord avait fait scission avec la Répu- 
blique et était devenu le Royaume d'Haïti sous  l'autorité 
d'Henri  Christophe.  Le Cap,  en tant que capitale de cet 
état,  recevait  les  registres  de  toutes  les  communes 
faisant  partie  du Royaume de Christophe.  Même après  la 
réunification  des  deux pays en 1820,  cette  habitude  a 
persisté et ce,  jusqu'en 1843. Pour des raisons diverses, 
ces  séries  n'ont  toujours  pas  été  centralisées   aux 
Archives  nationales.  Ce  fut la même situation  jusqu'en 
1987 pour les communes du département de l'Artibonite. Les 
registres remontant au-delà de 1843 se trouvait au  greffe 
du  tribunal civil des Gonaïves.  Malheureusement,  en été 
1987,  la population a incendié le greffe et les  archives 
qui  y étaient conservées ont totalement disparu dans  les 
flammes. 
  Ainsi,  les Archives nationales ne doivent pas être  une 
finalité  pour les recherches mais au contraire le lieu de 
démarrage, où le chercheur est en mesure de débroussailler 
le  terrain.  Il  est à noter que  les  conservateurs  des 
Archives  nationales  ont  entamé  un  énorme  travail  de 
reclassement   des  registres  de  l'état  civil  et   ont 
entrepris la restauration des registres abîmés. 

  Une source très utile pour pallier les lacunes de l'état 
civil  sont  les  registres paroissiaux à partir  de  1866 
(année  de la signature du Concordat entre le  Vatican  et 
l'Etat haïtien).  Toutefois,  ces registres, quand ils ont 
survécu,   sont   conservés  aux  presbytères  de   chaque 
paroisse, exigeant ainsi le déplacement. 

  En  ce  qui a trait au  notariat,  les  lois  haïtiennes 
n'exigent  pas que les notaires fassent le dépôt des fonds 
anciens  aux Archives.  Les minutes ne peuvent  donc  être 
consultées que chez les notaires et à leur discrétion. Ils 
ne  sont pas toujours disposés à mettre les registres à la 
disposition  des  chercheurs.  Un répertoire  au  Tribunal 
civil  de  Port-au-Prince  donne la  liste  des  fonds  de 
notaires depuis 1804,  avec les dates extrêmes,  ainsi que 
le nom des notaires actuels qui en sont dépositaires.  Les 
fonds  notariaux sont souvent très utiles pour combler les 
lacunes de l'état civil.

Difficultés d'ordre social

     Le  mariage n'est pas très répandu dans la  mentalité 
haïtienne  et  un  nombre important de couples  vivent  en 
union  libre.  Les  lois haïtiennes  accordent  les  mêmes 
droits  aux enfants naturels reconnus qu'aux enfants légi- 
times.  Cette  situation a ses répercussions  dans  l'état 
civil.  Il  arrive souvent qu'un couple se marie très tard 
et après avoir eu des enfants.  Ces derniers sont  parfois 
des  adultes  et  même  mariés lors du  mariage  de  leurs 
parents.  En conséquence, l'acte de mariage d'un couple ne 
se trouve pas toujours enregistré dans les années que l'on 
pourrait supposer.  
  Un exemple illustrera bien ce genre de cas très  courant 
en Haïti : le 25 janvier 1844, Pierre Victor Alphonse ELIE 
épouse  au  Cap-Haïtien  Ursule  Emilia  CARVALHO,   fille 
légitime de Charles et de Rose BOYER.  Emilia étant née en 
1819,  il faudrait, en principe, rechercher le mariage des 
parents avant cette année.  Or,  justement, les parents ne 
se  sont  mariés que le 24 avril 1840,  après avoir eu  14 
enfants,  qu'ils  légitimèrent par la  même  occasion.  Ce 
genre de situation a pourtant un avantage important, celui 
de fournir en un seul acte la liste de tous les enfants du 
couple avec leurs date et lieu de naissance.

     Un  autre  problème est celui de la fixation  tardive 
des patronymes. Pendant tout le XIX° siècle, le nom change 
d'une génération à l'autre, voire d'un enfant à l'autre au 
sein  d'une même famille.  Très souvent,  un enfant  prend 
pour  patronyme  le prénom  de  son  père.  Ainsi,  Joseph 
ANTOINE  est  le fils d'Antoine MICHEL,  lui-même fils  de 
Michel DESVALLONS.  Il n'est pas évident que Antoine, fils 
de Michel DESVALLONS, né en 1828, soit le même que Antoine 
MICHEL,  qui  déclare la naissance de son fils  Joseph  en 
1853.  Il  est  nécessaire de reconstituer la  famille  en 
entier,  de  relever  les témoins cités dans chaque  acte, 
afin de s'assurer de l'identité des ascendants. 

  Par ailleurs, les familles bourgeoises, issues d'anciens 
libres  et de nouveaux immigrés d'Europe ou d'Amérique  du 
Nord,  ont,  dès le départ, adopté les normes occidentales 
et faisaient passer tous les actes dans l'état  civil.  En 
revanche,  les anciens esclaves,  et particulièrement  les 
masses  paysannes,  n'ont jamais attaché une grande impor- 
tance  à l'état civil.  L'enregistrement  des  naissances, 
mariages et décès ne se font pas systématiquement,  parti- 
culièrement en milieu rural. En conséquence, quand un acte 
est  requis et n'existe pas,  l'intéressé se trouve obligé 
d'avoir recours à un acte de notoriété publique. 

Particularités sociales d'une nouvelle nation

     Au lendemain même de l'Indépendance,  nous retrouvons 




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