G.H.C. Numéro 50 : Juin 1993 Page 809

Au Surinam, il y a deux siècles (1793)

décampé  d'Amsterdam  parce que l'on avait  découvert  des 
intrigues avec les patriotes,  d'accord avec les Nationaux 
et il devait par là devenir Maire d'Amsterdam lorsque  les 
Francs  (sic)  y seraient entrés.  Je ne sais si c'est  un 
mensonge  de l'homme comme il est habitué d'en  dire  même 
dans  les  choses  les plus indifférentes.  Pour  moi  j'y 
ajoute  si  peu de foi que je n'en fais mention  que  très 
légèrement à DUBOULAY.  Mais quelle imprudence de  publier 
de pareilles choses d'une maison de commerce accréditée si 
l'on n'en est pas sûr!" (U)

     Cette  fuite possible de BOTEREAU inquiète  BERRANGER 
dont  l'oncle "a pris le parti de mourir" en lui  laissant 
"60.000  florins à peu près";  il avait instruit  BOTEREAU 
d'un plan pour profiter au mieux de cet  héritage:  "c'est 
de  changer  s'il  est  possible  ces  vieux  contrats  en 
assignats  sur  lesquels on perdra vraisemblablement  50%, 
convertir  ces  assignats en marchandise  puisqu'ils  sont 
argent courant et les charger sur un bâtiment neutre à  ma 
consignation  ici  et le peu que j'en pourrai  tirer  sera 
autant de sauvé du naufrage." (R)

     Par ailleurs, BERRANGER se sent bien isolé au Surinam 
et se réjouit, "joie inexprimable", d'apprendre l'éventuel 
retour  à  Paramaribo  de  son  ami   KARSSEBOOM,   ancien 
conseiller  fiscal  du Surinam établi à Utrecht et  de la 
femme de celui-ci à laquelle il écrit:  "Revenez, revenez, 
BAZIN respectée, tâchez de persuader M. KARSSEBOOM". Il se 
plaint  de n'avoir de nouvelles  d'elle  qu'indirectement: 
"Vous  n'écrivez  qu'à  celles  à  qui  vous  envoyez  des 
chapeaux. Que ne suis-je femme et bonne amie de vous." (R)

     Des  recherches complémentaires nous ont  appris  que 
Pierre BERRANGER,  commissaire général, remplaça FRIDERICI 
comme  gouverneur  du Surinam en 1803-1804  (2),  sous  le 
protectorat   anglais.   Les  gouverneurs  de  la   Guyane 
française  d'ALAIS,  en  novembre  1792  (donc  avant  ces 
documents),  et Victor HUGUES, en avril 1804 (donc après), 
en parlent au ministre de la marine (3) :  c'est un émigré 
français,  natif d'Orléans, qui fut garde du corps du roi. 
On  trouve en effet un BERENGER sur les listes des  gardes 
de  la compagnie de Luxembourg en 1791 et 1792  (4).  Nous 
n'avons   pas  poussé  plus  loin  la   recherche.   Voici 
simplement ce qu'en écrira plus tard Victor HUGUES,  le 26 
germinal XII (16 avril 1804) : 
"Les colonies de Demerary,  Berbiche,  Essequibo,  se sont 
rendues aux Anglais sans coup férir ou, pour dire toute la 
vérité,  les Anglais y ont été appelés. Si Surinam n'a pas 
subi  le  même sort,  c'est que tout le commerce  leur  en 
appartient et qu'ils ont voulu éviter d'en faire les frais 
de garde et d'administration.
Le gouverneur actuel de Surinam est un émigré français qui 
a  beaucoup  contribué la guerre dernière à  la  tradition 
(sic) de cette colonie aux Anglais.  Ce fut lui qui traita 
de  sa livraison;  il avait été secrétaire  du  gouverneur 
FREDERICI.
Ayant éprouvé des pertes dans un commerce considérable, il 
alla en Angleterre dans le cours de la dernière guerre et, 
n'ayant  pu arranger ses affaires,  il y fut mis en prison 
pour dettes.  Croriez-vous,  citoyen ministre, que ce sont 
là ses seuls titres au gouvernement du Surinam ?

Ses créanciers d'Angleterre ont eu assez de crédit  auprès 
du  gouvernement batave pour le faire nommer gouverneur du 
Surinam; il est sorti de prison et on l'a vu, avec le plus 
grand  étonnement,  paraître à Paramaribo avec le titre de 
lieutenant  général des armées  bataves,  quoiqu'il  n'ait 
aucune espèce de service; mais il sera à même de payer ses 
dettes et de livrer Surinam aux Anglais,  s'ils l'exigent. 
C'est  là  l'opinion générale.  En attendant,  il leur  en 
livre  le commerce,  sous pavillon simulé.  Il  se  nomme, 
BERANGER, cy-devant garde du corps, né à Orléans."

2/ La famille THOMAS

     C'est J.P.  MAZER qui en parle,  sur sa demande, à M. 
J.  VAN DER BURGHT à Amsterdam (F).  Elle se compose  d'un 
fils  et  de  trois filles dont l'aînée est  mariée  à  un 
COUDERC  de Harlem,  la deuxième au Surinam à VAN OMMEREN, 
ci-devant à Malmberg, et la plus jeune à SPIERING. Ils ont 
hérité d'une tante le plantage à café Annaszorg,  dans  le 
meilleur quartier de la colonie.  Leur père ne leur a rien 
laissé;  il vivait de l'usufruit du plantage.  Leur grand-
père  a été tué par ses nègres joints aux marrons sur  son 
plantage.  La famille est un peu hautaine: leur grand-père 
maternel  DU  BOIS GUYON était au Surinam  un  "lieutenant 
colonel  réfugié  français  descendant  de  quelque  noble 
normand ou picard."   

3/ La famille DEPONCHARRA et Pierre SATIE

     C'est une famille partagée entre Paramaribo et Paris. 
A  Paramaribo  se  trouvent  la  mère,   veuve,  un  fils, 
Frédéric,  qui  vient  d'être promu premier lieutenant  de 
compagnie et sert à la forteresse,  et une fille,  Sophie, 
qui vient de se marier avec un capitaine négrier  français 
originaire  du Havre nommé SATIE et âgé de 26 ans pour qui 
elle a "formé inclination", selon l'expression de la mère. 
A  Paris est allé,  avant de s'établir à Genève,  le  fils 
aîné à qui mère et soeur écrivent et qui semble être agent 
de change: " Je crois que vous ferez bien vos affaires; on 
me  dit qu'un agent de change gagne bien de l'argent"  lui 
écrit Sophie. Il a établi une société avec son beau-frère, 
mari  d'une autre soeur dont Sophie est triste de  ne  pas 
avoir  de nouvelles et à qui elle demande de choisir  "des 
rubans  et  toutes  sortes de petites  galanteries  de  la 
dernière  mode" que son frère lui enverra au Surinam  pour 
le "petit négoce" qu'elle vient de créer avec son mari.

     Dans  sa lettre à son fils la veuve  DEPONCHARRA  lui 
parle de sa petite négresse qui se porte bien.  "Si en cas 
vous étiez dans l'intentyion de rester à Paris et que vous 
voulussiez  la  vendre,  comme étant accoutumée chez  moi, 
vous me feriez plaisir de m'en donner la préférence en  la 
faisant estimer à sa valeur et en en donnant la commission 
à M. BRÉDRAUD." Ensuite elle lui parle de son "bon voisin" 
PASCHAUD  qui désire "que vous ameniez en Suisse une belle 
et riche française." (J)

     Sophie pour sa part annonce à son frère son  mariage: 
"Il n'a pas pour le présent grande fortune.  Il peut avoir 
56 mille argent comptant et nous allons commencer un petit 
négoce."  Pierre  SATIE à la fin de la lettre de sa  jeune 




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