G.H.C. Numéro 50 : Juin 1993 Page 812

Comment Messieurs de JAMES et de MAZIèRAS
sont morts en Guadeloupe

Michel A. Rateau

    Données généalogiques sommaires (1) au XIXe siècle

a) Charles Prosper de JAMES
  x Clotilde Joséphine de LA PORTE
  d'où, semble-t-il Marie Caroline Berthe.
  ils demeurent au château de Brassac à Suaux (16)
b) Jean Gustave de JAMES
  x Marie Félicité Caroline de LA PORTE, qui habitera au 
    château de Villiers-en-Plaine (79) puis à St-Vincent-
    de-Vitrac (16).
c) Charles Ludovic de FREIX de MAZIèRAS,
   du lieu de Maziéras, commune d'Issac (24)
   x Marie Caroline Zoé de LA PORTE dont le tuteur sera  
     ensuite Charles Joseph de LARMANDIE (2), demeurant au 
     château de Pouyol par Villamblard (24). 
   De cette alliance descend M. Patrick DU PUCH (1).
d) M. de GRIFFON du BELLAY, médecin en chef de la Marine, 
   chef du Service de Santé de la Colonie.
e) M. de SÉRIGNY: "cousin et ami" de M. de GRIFFON

             Notre tradition orale familiale:
         "l'empoisonnement des deux beaux-frères"

     Elle  réside  dans le fait que les héritiers  d'alors 
puis  les  descendants ont longtemps  été  convaincus,  au 
moins jusqu'en 1905,  (et le sont peut-être encore...) que 
leurs maris, beaux- frères, etc.... cités en b) et c) sont 
décédés  à la suite d'un empoisonnement supposé:  malveil- 
lance  directe ou indirecte des responsables de  l'exploi- 
tation  ?  Sans doute cette idée résista-t-elle  au  temps 
parce que,  déjà,  une autre ancêtre,  décédée à l'aube du 
XIXe  siècle,  était "connue" pour "avoir été croquée  par 
les nègres..." (3).

                        Les faits

     Charles  Ludovic de FREIX de MAZIèRAS et Jean Gustave 
de  JAMES possédaient conjointement,  selon M.  de GRIFFON 
(4),  "une habitation voisine de la Basse-Terre, en Guade- 
loupe".   En 1868,  concernés par leurs affaires,  ils  se 
rendent aux Iles dans le but de "l'inspecter".  Cependant, 
la fièvre jaune les emporte tous deux.

                La version d'un "officiel"

     Il  s'agit d'une lettre,  que son auteur qualifie  de 
"note", de M. GRIFFON du BELLAY, datée de St-Nazaire, le 7 
novembre 1905 et intitulée: "Comment Messieurs de JAMES et 
de MAZIèRAS sont morts à la Guadeloupe".  La missive, sans 
destinataire, est sans doute adressée à un membre de l'une 
des deux familles.

  Voici le texte intégral de ce rapport,  témoignage d'une 
époque :
  "Je  prie  mon  cousin et ami Mr.  de SÉRIGNY  de  faire 
parvenir les renseignements suivants aux parents de MM. de 
MAZIèRAS  et  de  JAMES,  parmi  lesquels  s'est  établie, 
paraît-il,  la  légende erronée qu'ils sont  morts  empoi- 
sonnés, alors qu'ils ont succombé à la fièvre jaune."
  "A la fin de 1868,  une épidémie de cette maladie éclata 
à la Basse-Terre et devait s'étendre dans toute la Colonie 
et durer avec plus ou moins d'intensité jusqu'à la fin  de 
1870.   Je  dirigeais  alors  le Service de  Santé  et  ne 
connaissant que trop la fièvre jaune, pour l'avoir étudiée 
pendant 3 ans à La Martinique et en avoir été atteint moi-
même en 1852.  Je fis prendre diverses précautions relati- 
vement  aux troupes et aux fonctionnaires  européens,  et, 
l'abaissement  de  la température aidant,  cette  première 
manifestation épidémique s'arrêta en moins de 3 mois."
  "Dans  mon  rapport  général qui fut  publié  dans  "Les 
Archives  de  Médecine Royale" en 1870,  je  trouve  cette 
phrase:  "Les  deux dernières personnes  atteintes  furent 
deux beaux-frères,  MM. de MAZIèRAS & de JAMES, arrivés de 
France  le 3 janvier (1869) et  qui,  propriétaires  d'une 
habitation  voisine de la Basse-Terre,  s'adonnèrent  sans 
ménagement  aux  soins  de leurs affaires  et  aggravèrent 
assurément,  par leur imprudence, un génie épidémique déjà 
à demi éteint."
  "Ils  ont succombé,  l'un le 11,  l'autre le 13 janvier.  
Ce  double  malheur  frappant au loin  une  même  famille, 
produisit  dans  le pays une  pénible  émotion.   J'ajoute 
aujourd'hui,   trente-six  ans  après   l'événement,   que 
personne ne songea alors à un empoisonnement."
  "Le  danger qui menace un Européen débarquant au  milieu 
d'une  épidémie  de  fièvre jaune est bien  connu  et  les 
appels à la prudence ne manquèrent pas à MM.  de JAMES  et 
MAZIèRAS.   Un  officier de gendarmerie qui mangeait à  la 
même  table qu'eux,  M.  GAUTREAU,  je crois,  les  invita 
vainement à plus de circonspection; ils n'en partaient pas 
moins  en plein soleil pour visiter leur propriété à  plus 
d'un  kilomètre de la ville,  ce qui était la plus  grande 
des imprudences."
  "J'ignorais leur arrivée dans la ...(illisible), malheu- 
reusement,  car j'aurais peut-être pu,  par l'autorité que 
me  donnait  ma  situation  et aussi  par  ma  qualité  de 
compatriote, les guider utilement.  Dès que je fus informé 
par M. GAUTREAU du premier déclin de leur santé, il me fut 
facile  de reconnaître quel danger les menaçaient.   Je me 
fis  aider  des meilleurs de mes  collègues  ou  confrères 
cvils,  qui  tous  s'intéressèrent  comme moi à  ces  deux 
pauvres isolés, mais nos efforts furent vains."
  "Tous  deux succombèrent,  présentant les symptômes  les 
plus caractéristiques,  les plus irrécusables de la fièvre 
jaune,  sans  qu'aucune intervention coupable  put  jamais 
être  accusée  ,  comme cela peut arriver  dans  certaines 
maladies pestilentielles, le choléra, par exemple."
  "Et dans les familles de ces deux malheureux, on a pensé 
à  un empoisonnement,  c'est sans doute pour deux raisons: 
la première,  qu'on ignorait la rapidité foudroyante  avec 
laquelle  agit  le  virus de la  fièvre  jaune,  véritable 
empoisonnement  en soit.   La seconde,  c'est  que  proba- 
blement  on  tenait  pour  suspect le ou  les  gérants  de 
l'habitation que ces messieurs venaient inspecter.   Il me 
semble ne rien avoir entendu dire à cette époque,  qui pût 
motiver  une  action  criminelle,   l'irrégularité  de  la 
gérance  restant d'ailleurs fort possible.   Autant  qu'il 
m'en  souvienne,  MM.  de MAZIèRAS et de JAMES ayant  pris 
normalement logement dans leur propriété,  y ont reçu  des 
soins convenables de la part de leurs gérants."
  "Pendant  la  maladie de ces Messieurs,  j'ai  passé  la 
plupart  du temps possible auprès d'eux,  leur parlant  de 
notre  pays  commun,  car  je suis  presque  Saintongeois.  





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