G.H.C. Numéro 51 : Juillet-août 1993 Page 825

LES NOMS DE FAMILLE AUX ANTILLES

JOYEUX,  DABRIOU, (qui signifie né en avril), on identifie 
40  % des habitants de l'île.  A Terre de Bas des Saintes, 
30 % des habitants se nomment  :  PETIT,  BRUDEY,  MORVAN, 
BORDEY et GUILLAUME.
A Saint-Barthélémy,  les GREAUX, LÉDÉE et LAPLACE tiennent 
une  telle  place qu'ils figurent parmi les cent noms  les 
plus répandus de l'archipel guadeloupéen.  Dans cette île, 
la stabilité des noms est relativement grande puisque  des 
63   patronymes  cités  pour  elle  dans  le  "rolle   des 
habitants" du 18 juillet 1681,  trois subsistent encore de 
nos jours : AUBIN, BERNIER et GRÉAUX.
A Saint-Martin, les RICHARDSON, GUMBS, HODGE, LAKE sont en 
nombre suffisant pour amener ces noms à consonnance anglo-
saxonne parmi les cent premiers de Guadeloupe.
A Marie-Galante,  le nom de SELBONNE est très courant ; de 
ce fait, il figure également au palmarès des cent noms les 
plus répandus.

En Martinique,  les particularismes sont moins accusés. On 
notera cependant deux caractéristiques intéressantes :

- le  grand nombre de noms composés.  Parmi les cent  noms 
les plus répandus,  on trouve ainsi : Marie-Sainte, Marie-
Louise,  Jean-Marie, Marie-Luce, Marie-Joseph, Marie-Rose, 
Louis-Marie,   Jean-Baptiste,   Jean-Louis,   Jean-Joseph, 
Sainte-Rose, Saint-Aimé.

- la  présence  fréquente de matronymes,  c'est-à-dire  de 
noms donnés à l'origine à partir de la mère. Dans les cent 
premiers noms figurent ainsi  :  Adélaïde,  Luce,  Judith, 
Claire,    Francillette,   Jeanne,   Désirée,   Augustine, 
Brigitte, Joséphine, Adèle, Elisabeth ...

II. L'ORIGINE DES NOMS AUX ANTILLES : QUELQUES EXEMPLES

L'approche   statistique   nous   fournit   des   éléments 
permettant     de    corroborer    certaines    tentatives 
d'explications  de l'origine de la formation des noms  aux 
Antilles françaises.

- les  matronymes  reflètent les  états  successifs  d'une 
société  dans laquelle autrefois les parents n'avaient pas 
le droit au mariage et où,  encore actuellement,  le  père 
est souvent défaillant.  La statistique met en évidence le 
phénomène,  a priori surprenant, de leur plus grand nombre 
en Martinique que dans l'archipel guadeloupéen.

Aucune  explication  liée  à l'histoire,  à  la  politique 
gouvernementale  ou aux structures politiques ou  sociales 
ne semble pouvoir être évoquée.

Arlette  GAUTIER,  dans  ses recherches  portant  sur  des 
comparaisons  d'états civils en 1848-49,  entre les Abymes 
en  Guadeloupe  et les régions du Diamand et  de  Fort-de-
France   en  Martinique,   observe  le   même   phénomène. 
L'explication  qu'elle  avance  est  la  suivante  :   "Il 
semblerait  donc  qu'en  Guadeloupe les  anciens  esclaves 
aient  pu  faire reconnaître leurs  couples,  alors  qu'en 
Martinique  les scribes n'ont accepté d'inscrire  sous  le 
même  nom que les esclaves mariés et,  pour le reste,  ont 
suivi  la  vieille coutume coloniale :  l'enfant  suit  la 
mère, mère dont ils ont toujours noté le nom ...".

- les  prénoms du calendrier et les prénoms composés  sont 
apparus   comme  une  source  très  importante  des   noms 
antillais.
- l'origine    géographique   des    vagues    successives 
d'immigrants se reflète dans les noms.

     Le  recensement des habitants blancs de l'île  de  la 
Guadeloupe,  en  1664,  a  fourni  un  "réservoir"  (selon 
l'expression de Cazenave) de noms français. Parmi les cent 
noms  les  plus  répandus aujourd'hui  en  Guadeloupe,  21 
figurent déjà dans ce recensement.  On peut  citer,  entre 
autres  :  BOURGEOIS,  CASSIN,  DELAUNAY,  JEAN,  A Saint-
Barthélémy, nous avons vu que trois noms remontent à 1681.
     L'immigration hindoue a contribué,  surtout en Guade- 
loupe, à enrichir la liste des noms : MONTOUT est le 19ème 
nom  le  plus répandu,  immédiatement suivi  de  RAMASSAMY 
("serviteur de Dieu"). 
     On  peut ajouter que l'immigration  africaine  posté- 
rieure  à  1848,  a laissé des traces décelables avec  des 
noms  tels que ABOUNA ou OUALLI.  Plus récemment,  au  XXe 
siècle,  des  noms  italiens ou syro-libanais  sont  venus 
accroître le stock de noms.

- Bien  qu'on ne les rencontre généralement pas parmi  les 
cent  noms  les  plus fréquents  aux  Antilles,  les  noms 
anagrammes sont assez caractéristiques de la formation des 
noms  antillais.  Une  explication  vraisemblable  à  leur 
multiplicité  et diversité pourrait résider dans  le  fait 
que la méthode de l'anagramme permettait de restituer sans 
conteste,  à son vrai propriétaire,  l'esclave "marron" ou 
détourné  par un voisin,  car il porte le nom ou le prénom 
retourné de son maître.
L'abbé Robert GERMAIN, en les étudiant attentivement, a pu 
découvrir,  et  quelques  fois vérifier,  des rapports  de 
consanguinité  entre plusieurs familles antillaises  inca- 
pables de les soupçonner autrement.

Classés selon la terminologie adoptée par Robert  GERMAIN, 
en voici quelques exemples :
              Anagrammes parfaits :
DIVAD (David)                NOMIS (Simon)
EDREM (Merde)                SIGER (Régis)
IREP (Péri)                  SIOBUD (Dubois)
NABAL (Laban)                TREBLA (Albert)
NIRELEP (Pélerin)            TREBOR (Robert)
             Anagrammes imparfaits :
DECILAP (Placide)            ELOT (Thole)
DOUARED (Edouard)            LATIVE (Vital).

Un anagramme "énigmatique" mérite d'être mentionné, car il 
est   le  seul  figurant  dans  les  cent  premiers   noms 
guadeloupéens.  Il s'agit de SELBONNE, formé de ROUSSEL  et 
de  BONNETERRE,  deux  noms de famille de  Grand-Bourg  de 
Marie-Galante.  Roussel  étant  de plus un lieu de  Grand-
Bourg,  ceci  témoigne  des liens existant entre  noms  de 
personnes et noms de lieux.

Bien   d'autres  facteurs  explicatifs   pourraient   être 
mentionnés, tels que les reduplications, les qualificatifs 
(physiques,  races,  pays, caractères), les noms tirés des 
trois règnes (animal, végétal, minéral), de la mythologie, 
de la Bible, de l'histoire ou de la géographie ...




Page suivante
Retour au sommaire
Lire un autre numéro





Révision 02/02/2004