G.H.C. Numéro 62 : Juillet-août 1994 Page 1090

Jeunes Américains dans le Loir-et-Cher
Pierre Bardin

Le  23  vendémiaire  an IV (15  10  1795),  COURTILLE  (ou 
COURTILLET,  COURTILLES),  maire et BULLET (ou BUTTET?) et 
CAROUX,  officiers municipaux de la commune de Pont-Levoy, 
district  de  Saint-Aignan,   certifient  l'existence   en 
qualité d'élèves à l'école de leur commune de :
- Louis Benjamin FILASSIER DUGOMMIER,  né au Lamentin isle 
Guadeloupe le 3 8bre (octobre) 1776, entré à l'école le 30 
juin 1786.
- Louis LEMOINE-MAUDET,  né au Moule isle Guadeloupe le 15 
août 1778,  entré le 6 7bre (septembre) 1786, sorti le 1er 
vendémiaire an 4e (22 9 1796).
- Nicolas  François Marie BOUBERS,  né au qtier (quartier) 
de  La  Baye Mahaut isle Guadeloupe le  13  juillet  1777, 
entré le 29 juillet 1787.
- Etienne  LEMOINE-MAUDET,  né au Moule isle Guadeloupe le 
29  8bre  1780,  entré  le 28  8bre  1788,  sorti  le  1er 
vendémiaire an 4e.
- Prosper  Louis  François  LANGLOIS,  né  au  Moule  isle 
Guadeloupe le 1er 9bre 1778, entré le 14 7bre 1787.
- Alexis  Benjamin  HUREL,  né  au Moule  isle  Guadeloupe 
Grandeterre  le  27  Xbre (décembre)  1780,  entré  le  28 
juillet 1791.
- Pierre CALS,  né au Moule isle Guadeloupe, âgé d'environ 
onze ans, entré le 3 août 1792.
- Gabriel  MAUDET,   né  au  Moule  isle  Guadeloupe,  âgé 
d'environ  onze ans,  entré le 3 août 1792,  sorti le  1er 
vendémiaire an 4e.
- Louis  ST  ALARY,   né  au  Moule  isle  Guadeloupe  âgé 
d'environ onze ans, entré le 3 août 1792.
- François  SAVARIN,  né  au  Moule  isle  Guadeloupe  âgé 
d'environ douze ans, entré le 3 août 1792.
- Joseph  ARBOUSSET,  né à la  Martinique,  âgé  d'environ 
quatorze  ans,  entré le 24 prairial an 3e (12 6 1795).

en marge :
     12 juin v. s. (vieux style)
     Nous  certifions en outre que le minimum du prix  des 
pensions  de l'école de notre commune est de quatre  mille 
livres  dont  deux cents livres en nature  de  denrées  ou 
marchandises au prix de 1790.
fait  et délivré en notre maison commune le 23 vendémiaire 
an 4e de la République. 

     Ce  certificat vient en appui de l'"Extrait de compte 
envoyé  par le citoyen CHAPPOTIN,  directeur de la  maison 
d'éducation de Pontlevoy" :

"Onze jeunes gens,  passés à diverses époques depuis  sept 
ans de la Gouadeloupe (sic) en France, étaient adressés au 
citoyen  DROUET  à Nantes qui les a placés au  collège  de 
Pontlevoy  en  se  chargeant de  payer  leur  pension.  Ce 
correspondant,  probablement en avance avec ses élèves, ne 
répond  point aux demandes de l'école et laisse  arriérées 
les  pensions  depuis deux  trimestres.  Des  lois  parti- 
culières  donnant  à ces enfants des droits à la  bienfai- 
sance  nationale,  la pension de l'école de  Pontlevoy  au 
minimum  est pour chaque élève et pour chaque quartier  de 
950 lt assignats et 50 lt en nature de denrées ou marchan- 
dises  au  prix de 1790.  C'est sur ce taux que j'ai  fait 
passer au citoyen DROUET les deux états de compte suivants 
et dont il ne m'a pas rempli :
     quartier du 4 thermidor an 3 au 10 brumaire an 4
                                nature       assignats
pour onze élèves                  550        10450
pour trousseau d'ARBOUSSET                    3000
transport à Blois des 3 MAUDET                 300
arrérages                                    11945
                                  ---        -----
                                  550        25695
                              
Sont  jointes  au dossier l'attestation des députés de  la 
Guadeloupe, DUPUCH et LION, du 8 brumaire an 4, certifiant 
que "les dix premiers des citoyens dénommés sont des  fils 
d'habitants  et  propriétaires  de la Guadeloupe  dont  la 
majeure partie des propriétés ont été dévastées et  qu'ils 
ont  droit aux secours que la loi accorde aux enfants  des 
colons  qui par les malheurs de la guerre n'en peuvent pas 
recevoir de leurs parents" et celle de  FOURNIOLS,  député 
de la Martinique,  du 5 vendémiaire an 4, indiquant que le 
jeune  ARBOUSSET est du quartier du Robert à la Martinique 
et qu'il se trouve privé de revenu à cause de  "l'invasion 
de cette isle par les anglais qui en sont en possession".
Une autre pièce, datée de "Clamart le Vignoble le 2 vendé- 
miaire  4e" est signée de DROUET et précise que "le  jeune 
ARBOUSSET n'a ni père ni mère".

(F15/2548, Hospices  et secours) 

NDLR 

Voilà un dossier intéressant à plus d'un titre.  On y voit 
dans  quelles  conditions  les  jeunes  antillais  étaient 
envoyés en France pour études, longue parenthèse dans leur 
vie  dont  on  ne  sait  pratiquement  rien,   sinon  pour 
certaines  écoles  comme  celle de Sorèze qui a  déjà  été 
évoquée dans GHC ou encore Juilly, en Seine-et-Marne : ils 
quittaient  leur  famille parfois dès l'âge de  huit  ans, 
arrivaient à Nantes ou dans tout autre port où le  commis- 
sionnaire  de  leur  famille (ici le  citoyen  DROUET,  de 
Nantes,  qui  le connaît ?) se chargeait lui-même de  leur 
trouver  une  école  ou un instituteur et de  régler  leur 
pension.  On voit donc là le rôle des commissionnaires des 
habitants antillais,  qui ne se bornait pas, loin de là, à 
une  charge commerciale mais incluait tous les aspects  de 
la vie personnelle et familiale.

     Si  certains jeunes arrivaient avec des  frères,  des 
cousins,  des amis (presque tous les guadeloupéens sont du 
Moule),  d'autres étaient seuls, comme le jeune ARBOUSSET, 
orphelin et seul martiniquais du groupe.

     Des  questions se posent aussi :  pourquoi  Pontlevoy 
(dans   le  Loir-et-Cher,   entre  Chaumont-sur-Loire   et 
Montrichard,  à une quarantaine de km à l'est de Tours)  ? 
Un dictionnaire géographique de 1872 indique qu'il y avait 
là "une institution libre très importante". Est-ce la même 
que celle du citoyen CHAPPOTIN un siècle plus tôt ?
Sait-on  si ses dossiers d'élèves ont été conservés ?
Les  archives du Loir-et-Cher indiquent que les  documents 
concernant  le  collège de Pontlevoy se trouvent  sous  la 
cote  28J.  Quel  lecteur de Blois pourrait voir  en  quoi 
elles consistent ?






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