G.H.C. Numéro 67 : Janvier 1995 Page 1242

Histoire de l'habitation "Guischard" ou "Grand Parc" à la Basse Terre de la Guadeloupe


     Hippolyte  JOUVEAU DU BREUIL,  époux de sa  lointaine 
cousine  Imma ITHIER-LAVERGNEAU,  se portera acquéreur  de 
l'habitation   qui  s'appellera  désormais  "Grand  Parc", 
suivant  une demande en licitation contre  les  coproprié- 
taires le 6 décembre 1859, et principalement contre Madame 
veuve  DANDRIEU de DAUBINE.  L'adjudication eut lieu le 18 
juin  1860 (18),  avec une mise à prix de 100.000  francs. 
"Il  a été allumé une bougie durant laquelle  Monsieur  du 
Breuil  a porté l'enchère à 100.050 francs.  Cette enchère 
n'a pas été couverte, deux autres bougies ont été allumées 
successivement  et se sont éteintes sans que personne  ait 
enchéri. 

     L'habitation  faisait  100  hectares,  mais  diverses 
parcelles  ayant  été détachées au  profit  des  héritiers 
Ithier-Lavergneau,  pour  un  total de 8 hectares,  il  ne 
restait plus que 92 hectares, dans lesquels se trouvait le 
cimetière  des  familles Guischard  et  Ithier-Lavergneau. 
Elle  est  établie en manufacture à sucre et en  caféière, 
les  bâtiments et usines nécessaires à sa  double  exploi- 
tation  sont réunis dans le même centre.  23 hectares sont 
plantés en cannes,  nous sommes bien loin des 83  hectares 
de  1806.   Cette  baisse  de  production  du  sucre  doit 
expliquer  en partie la forte dépréciation de l'habitation 
qui  valait près de 450.000 francs en 1806 contre  100.000 
en  1860,  bien  que cette dernière somme  soit  largement 
sous-évaluée par les héritiers,  et dans le prix de  1806, 
se  trouvait  inclus  le prix des esclaves qui  avait  été 
affranchis en 1848.  
     Il  s'agit  encore  d'un montage financier  et  d'une 
association, car deux ans plus tard il vend l'habitation à 
Alfred EGGIMANN (19), son voisin, pour la somme de 125.000 
francs.  Dix ans plus tard, le 15 mars 1872, Jules JOUVEAU 
du  BREUIL,  fils  ainé  d'Hippolyte  et  d'Imma,  rachète 
l'habitation (20),   pour 165.000 francs, qui seront payés 
pour 85.000 francs à Frédéric Alfred EGGIMANN, pour 23.400 
francs à  Madame veuve d'ANDRIEU de DAUBINE,  pour  38.014 
francs  à  divers fournisseurs et 20.000 francs  à  Nicole 
Adélaïde  ITHIER-LAVERGNEAU.  Cette  dernière léguera  ses 
biens à ses neveux JOUVEAU du BREUIL. 
   Adélaïde SEAUTEREY épouse de Jules, paiera les créances 
de  l'habitation (21) pour un total de  94.325,30  francs. 
Son époux lui cédera l'habitation le 11 mars 1892 (22). Il 
restait  alors  à  payer 23.400 francs  aux  héritiers  de 
DAUBINE et 10.500 francs à Victor DEFRESNAY,  négociant et  
fournisseur de l'habitation. 

     Un  bail à ferme fut accordé pour une durée de  trois 
périodes triennales soit 9 ans, le 10 janvier 1881 (22), à 
Charles PETIT,  pour un loyer annuel de 20.000 francs. Cet 
acte  nous  rappelle  les  difficultés  pour  trouver  des 
travailleurs,  et  précise  "dans le cas où  l'immigration 
viendrait  à  être  supprimée dans  la  colonie,  il  sera 
facultatif au preneur de résilier le bail un an après  que 
la  décision de l'autorité aura été publié dans le journal 
officiel."  Ce bail nous permet d'avoir le quatrième  état 
descriptif  de  l'habitation.  Elle  fait de  nouveau  100 
hectares;  32 sont plantés en cannes et 17 sont plantés en 
caféiers, le reste est en savanne, bois debout et escarpes 
des falaises.  Soit une augmentation des cultures de  près 
d'un tiers tant pour le sucre que pour le café.
 50 immigrants sont attachés par contrats à l'exploitation 
de  l'habitation,  et quelques cultivateurs y  travaillent 
sans engagement.
 Le  moulin  à café est en bon état,  la sucrerie  avec  4 
chaudières,  trois  bacs  à sucre,  deux citernes pour  le 
sirop,  tout  est  en  bon  état  et  le  moulin  vertical 
également  en  bon état.  La cheminée de la  sucrerie  est 
aussi en bon état, c'est le seul édifice qui existe encore 
de  nos jours (23).  Dans l'inventaire se trouve  cité  un 
nouvel  appareil  pour  distiller le jus de cannes  et  la 
vinaigrerie  contient  douze cuves de  onze  cents  litres 
chacune  pour  le  rhum.  Le  bailleur  s'oblige  à  faire 
remplacer le moulin actuel, par un moulin horizontal d'ici 
à quatre ans.
 Si  la culture de la cannes persiste,  sa destinée  n'est 
plus  la  fabrication du sucre mais celle du  rhum.  Cette 
nouvelle  fabrication ne durera pas longtemps  comme  nous 
allons le voir.                

    Désireux de quitter la Guadeloupe, Jules et son épouse 
vendirent l'habitation "Grand Parc" et l'habitation "Grand 
Val", voisine de la précédente, le 16 août 1901 à François 
Charles CHAPP,  pour la somme de 300.000 francs (24).  Sur 
cette  somme  il  restait à payer 17.200 francs  à  Hélène 
GUYOT,  veuve  Adolphe CHASSAING,  l'une des héritière  de 
Charles  DANDRIEU  de DAUBINE,  18.217  francs  à  Auguste 
LACOUR,  banquier,  et  diverses  petites sommes à  divers 
créanciers,  le tout pour 10.638,50 francs.  20.000 francs 
furent  payés peu de temps avant le contrat et  le  solde, 
soit  un peu plus 232.296,50  francs payable en 10 ans  en 
billets  de  banque de la Guadeloupe à 6%  d'intérêts.  Le 
contrat  ne précise pas la part des deux habitations  dans 
le prix de vente,  mais l'habitation caféière  "Grand Val" 
faisait 18 hectares. 
     Ce  contrat ne nous donne qu'une description sommaire 
de l'habitation qui est établie en caféière et  cacaoyère; 
la canne a définitivement disparue.  Elle fait 88 hectares 
55  ares;  les  bâtiments sont représentés par  la  maison 
principale,   une  cuisine,   magasin,  deux  écuries,  un 
bâtiment  servant  à  abriter le  café,  un  bâtiment  qui 
abritait autrefois le moulin à cannes qui est déposé.

     Jules   JOUVEAU   du  BREUIL  avait  diversifié   ses 
productions,  d'abord  en essayant de conserver  la  canne 
pour  en faire du rhum puis en augmentant les  plantations 
de  café et en implantant des cacaoyers.  Cette  politique 
semble lui avoir réussi puisqu'il vendit l'habitation à un 
bon prix.  Il avait également créé sur l'habitation "Grand 
Val",  une glacière ou usine à glace,  qu'il conserva (23, 
25). 

     François  Charles  CHAPP  s'endetta  en   particulier 
envers  le propre frère de Jules,  Gabriel,  qui rachètera 
quelques années plus tard cette habitation, qui appartient 
toujours à ses héritiers. Cette propriété a subi également 
la  mutation nécessaire de  l'agriculture  guadeloupéenne, 
avec l'extension de la culture bananière. 
 Cette habitation créée en 1719,  est restée dans la  même 
famille,  hormis quelques années au début de notre siècle, 
soit  275  ans.  Je  pense que les  exemples  d'une  telle 
longévité en Guadeloupe sont rares. 





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