G.H.C. Numéro 68 : Février 1995 Page 1285

Media-Tropical

- Quant à l'Antillais,  blasé par tout cela, penchons-nous 
un instant sur son cadre de vie,  réputé ancestral tant il 
lui est habituel.
  Aux  environs  immédiats de sa case,  il  entretient  un 
petit jardin créole.  On y trouve,  en général,  manguier, 
arbre à pain, avocatier, abricot-pays, pimentier, quelques 
plants  de  café,  de vanille ou de tabac si le climat  le 
permet.  Il y élève des "cochons planche" et y cultive des 
malangas ou choux-caraïbes,  des ignames,  du manioc,  des 
patates  douces.  Pour préparer ses différents punchs,  il 
possède  un citronnier,  des  goyaviers,  des  maracudjas, 
voire un grand monbin et, pour leur jus, un corossolier et 
un oranger.           
     Tout  cela lui paraît si naturel que,  tout comme  le 
touriste,  il  serait bien surpris d'apprendre qu'en  fait 
son  milieu  ambiant est le résultat d'apports  successifs 
effectués par les Caraïbes d'abord, Christophe Colomb lui-
même ensuite et,  pour finir,  par les vagues d'immigrants 
de toutes origines qui ont déferlé depuis la découverte du 
Nouveau Monde.
     A l'époque précolombienne, les Caraïbes connaissaient 
déjà,   car  probablement  indigènes,   les   palétuviers, 
raisiniers bord de mer, abricots-pays, ignames, goyaviers, 
cotonniers;  la  plupart des arbres de la forêt,  palmiers 
royaux, acomats, gaïacs, gommiers; les balisiers, fougères 
arborescentes,  monbins et icaques ainsi,  d'ailleurs, que 
le racoon et le manicou. 
  Ils ont apporté avec eux le tabac,  le cacao,  la  cale- 
basse,  la patate douce,  le malanga, l'avocat, le piment, 
le manioc et, bien sûr, l'ananas, "roi des fruits".
     Christophe  Colomb en personne est l'introducteur  de 
la  canne à sucre originaire de l'Inde ou de la  Malaisie, 
du  citronnier  et  de  l'oranger.   Dans  sa  suite,  les 
Espagnols  ont disséminé dans les îles le "cochon planche" 
ou ibérique, pour s'approvisionner en viande fraîche.
     Plus tard,  tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, 
sont  apparus le corossol du Venezuela,  le  cocotier,  le 
bananier  et le bambou,  tous trois originaires d'Asie  du 
Sud-Est, l'hibiscus natif de Chine. Le caféier fut apporté 
au  XVIIIe  siècle indirectement  d'Afrique  et  d'Arabie; 
quant à l'arbre à pain,  il est arrivé de Polynésie,  à la 
fin  du  XVIIIe  siècle,  grâce au  capitaine  BLIGHT.  Le 
manguier,  le gombo sont venus plus tard de  l'Inde,  tout 
comme la mangouste acclimatée à la fin du XIXe siècle pour 
tuer   les   serpents   mais  qui  préfère   ravager   nos 
poulaillers.
  Le flamboyant ne fut découvert à Madagascar qu'en  1824; 
il  est  donc,  avec l'arbre du voyageur originaire de  la 
même  île,  un élément récent de notre  paysage.  D'impor- 
tation récente aussi,  le filao australien ou le  bougain- 
villier brésilien.
  Je  citerai,  pour terminer,  deux apports du XXe siècle 
qui, pour beaucoup, symbolisent les Antilles : l'anthurium 
d'Amérique  centrale  et du sud,  la  rose  de  porcelaine 
indonésienne.
     Ainsi,   au  fil  des  temps,  se  sont  forgées  les 
Antilles,  lieux  de rencontre d'hommes,  d'animaux et  de 
plantes  originaires  des quatre coins du monde.  Ils  ont 
survécu,  souvent  aux  dépens des  autochtones,  se  sont 
acclimatés,  juxtaposés,  mélangés  et reproduits  jusqu'à 
composer cet ensemble original,  "créole",  qui,  en défi- 
nitive, nous apparaît bien harmonieux, quoiqu'en perpétuel 
devenir.      

TROUVAILLE

de  Marie-Odile Michon :  Lettre de noblesse d'Antoine  de 
MASSIAS de BONNES, 1704, Martinique (B.N. Nouveau d'Hozier 
n° 228)

Extraits : 
"Connaissant  que la qualité de noble élève le  coeur  des 
hommes,  fait  passer la vertu des pères aux enfans et  la 
rend  héréditaire dans les familles pour entretenir  cette 
émulation  dans  nos sujets,  nous avons estimé  à  propos 
d'anoblir  par notre édit du mois de mai 1702 le nombre de 
200 personnes qui seront choisies parmis ceux qui se  sont 
le  plus  distinguées par leurs mérites,  leurs vertus  et 
leurs bonnes qualités, en exécution duquel édit nous avons 
fait  choix  de  la personne de notre  cher  et  bien  amé 
Antoine  de  MASSIAS de BONNES,  Capitaine de Milice  dans 
l'Isle de la Martinique,  pour être du nombre desdits  200 
anoblis,  lequel  s'est  rendu  recommandable  par  divers 
emplois  dont  il  a  été chargé  pour  notre  service  et 
notamment  dans  celui de Capitaine de Milice dans  ladite 
Isle,  en  l'année 1693 lorsqu'elle fut attaquée  par  les 
Anglois et Hollandois,  lors de laquelle il se trouva à la 
descente  des  ennemis  et donna plusieurs marques  de  sa 
valeur et de son courage,  et dans laquelle occasion ayant 
été détaché avec 50 hommes pour empescher 3 à 4000  hommes 
qui  vouloient  gagner les hauteurs,  il les attaqua  avec 
tant de valeur qu'il les repoussa,  les mit en désordre et 
força l'ennemi à se retirer,  et ensuite,  étant revenu en 
France  pour rétablir sa santé,  il se trouva  dans  Diépe 
(sic)   lorsqu'elle  fut  bombardée  par  les  Anglois  et 
Hollandois,   qu'il  y  commanda  un  détachement  de  150 
bourgeois  à la teste duquel il s'opposa aux  ennemis  qui 
vouloient  aborder avec un bâtiment plein d'artifice  dont 
il  empescha l'effet par une décharge qu'il fit faire  sur 
eux."
"Donné  à Fontainebleau au mois d'octobre 1704 et de notre 
règne le 62e. Louis"
Règlement  d'armoiries  par Charles  d'Hozier  :  "Un  écu 
d'azur  à  trois  masses  d'or posées en pal  et  une  mer 
d'argent  posée  en chef,  cet écu timbré d'un  casque  de 
profil orné de ses lambrequins d'or, d'azur et d'argent." 

NDLR  Dans  "Personnes et familles à la  Martinique"  (qui 
indique  comme  année  d'anoblissement non pas  1704  mais 
1706,   sans   doute  année  d'enregistrement  au  conseil 
souverain  de  la  Martinique) est donné le  début  de  la 
généalogie d'Antoine, marchand limousin établi à St-Pierre 
de la Martinique. Dans Colonies E305, on trouve un dossier 
MASSIAS  de BONNE dont nous avons fait état en NDLR  à  la 
question 93-117,  p. 903. Ce dossier concerne les états de 
service  et  la  filiation de  trois  des  arrière-petits-
enfants d'Antoine qui étaient,  à la fin du XVIIIe siècle, 
cadets  gentilhommes puis sous-lieutenants au régiment  de 
la Guadeloupe.


  Association pour l'étude de la colonisation européenne
            17 rue de la Sorbonne 75005 Paris
  Président, Yves Bénot; vice-président, Marcel Dorigny;
secrétaire,  Bernard Gainot; trésorière, Florence Gauthier

Ses  thèmes de recherches sont la traite négrière transat- 
lantique,  les sociétés esclavagistes, les mouvements abo- 
litionnistes, les processus d'émancipation des esclaves.





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