G.H.C. Bulletin 76 : Novembre 1995 Page 1468

LA VEUVE ET LE DÉFROQUÉ
Pierre Mongie

     Jacques Joseph BOUYER, né en 1762 à Archiac (Charente
Inférieure),  fils  de  Joseph,  homme  de loi  à  St-Jean
d'Angély,  était clerc tonsuré d'une chapelle de nobles  à
Vervant quand éclata la Révolution.  Il défroqua et partit
alors pour la Guadeloupe,  de son plein gré, pour échapper
à  la  guillotine  ou  faire fortune,  ou bien  il  y  fut
déporté.

    Il avait dans l'île un oncle, une tante et des neveux.
Il y fit la connaissance d'une veuve CORDONNIER et,  le 27
mai 1790, il donnait comme adresse à ses parents en France
"au Vieux bourg du Moule, la Grande-Terre, Guadeloupe".

     D'après une lettre d'un sans culotte de ses amis,  il
aurait été "redéporté" par les Anglais vers la France vers
1794.   Il  s'y  maria  deux  fois,   d'abord  avec  Marie
MERVEILLEUX,  décédée  sans  enfants,  puis  avec  Pélagie
SORIN, le 17 brumaire an XI (8 novembre 1802), d'où posté-
rité.
    Il  était  devenu  commissaire de  police  de  St-Jean
d'Angély où il mourut en 1835.  Il y aurait sur lui et son
entourage beaucoup d'éléments chez les notaires PELLIGNEAU
de  La  Rochelle,  mais ma vue se fatigue trop  vite  pour
faire cette recherche.

     Je  souhaiterais  savoir  quels étaient  les  parents
qu'il  avait  en Guadeloupe et s'il est resté des  descen-
dants dans l'île mais,  surtout, je souhaiterais en savoir
plus  sur la veuve CORDONNIER dont il fut le grand  amour,
d'après  la correspondance que je conserve.  En voici  des
extraits :

- Le 6 frimaire an III (26 novembre 1794), son ami CASSEIN
lui   écrivait   :   "Si  j'ay  le  bonheur   de   passer,
j'embrasseray la citoyenne CORDONNIER pour toi".

- Le  1er  vendémiaire  an VIII  (23  septembre  1799)  il
recevait une lettre signée "V.C.  (= veuve Cordonnier ?) :
"L'on ne pus poin ette toujours heures den la vis,  il  fo
finir."

- Une  lettre d'un de ses amis sans culotte,  datée "De la
Pointe appittre le 24 frimaire A. 11 (15 décembre 1802)" :
"Mon  cher BOUYER,  je viens de moulier à la  pointte,  je
n'ay  eu que le temps daller à terre et mainformer  de  ta
tante  delequel on nat pa pu me dire aucune nouvelle (...)
Madame  CORDONNIER  est  mortte,   Monsieur  ROUBEAU   est
mort..."

     Entre septembre 1799 et décembre 1802, elle est morte
de chagrin, après le retour de son ami en France.

                      Les CORDONNIER
             Bernadette et Philippe Rossignol

     Les  frères  CORDONNIER  sont  arrivés  de  Paris  en
Grande-Terre dans la seconde moitié du XVIIIe  siècle;  en
voici la filiation :

1 Joseph CORDONNIER, bourgeois de Paris
  x Marguerite Françoise BOUTERON
1.1 Jean Baptiste Charles CORDONNIER MONTAIGU, habitant Le
  Moule, puis procureur en la sénéchaussée du Moule (1779)
  o Paris (St-Hippolyte)
  ax Le Moule 7 6 1768 Anne Suzanne HENRY, fille de +
     Denis, commandant de la Désirade, et Susanne
     Marguerite THOMAS, habitante au Moule
     o Le Moule 14 7 b 6 8 1750, p Jacques Semper, m Anne
          Suzanne Néron épouse de Gilbert Dulion
     + Le Moule 19 3 1769, 19 ans
  bx Le Moule 16 3 1779 Elisabeth HENRY, fille de Jean
     Baptiste (originaire de Bourgogne) et Marguerite
     COCQUET FONTAINE (née au Macouba), habitants du
     Prêcheur (Martinique)
     o St-Joseph du Prêcheur (Martinique) 9 b 28 4 1759
1.2 Joseph CORDONNIER, négociant au bourg du Moule (1770)
  puis lieutenant à la suite de la compagnie des dragons
  milice du bataillon du Moule (1779)
  o St-Pierre du Mont en Nivernois
  + Le Moule 20 9 1779
  x Le Moule 5 2 1770 Aimée Marie Jeanne HENRY, fille de
     + Denis, commandant de la Désirade, et de Susanne
     Marguerite THOMAS
     o La Désirade (ND du Bon Secours) 23 6 b St-François
     Grande-Terre 27 10 1753, p Etienne Jean Henry, son
     oncle, m Jeanne Roussel Mathieu
     + Pointe-à-Pitre 21 thermidor an X (9 août 1802)
  d'où :
  1.2.1 Joseph Jean Baptiste Pierre CORDONNIER
     o 1 9 1778 b Le Moule 28 10 1779, parrain Anonime de
          Gilbert, chevalier sieur du Lion, chevalier de
          St-Louis, colonel d'infanterie, représenté par
          Messire Nicolas Pierre de Vergers Sanois de
          Maupertuis chevalier seigneur de Passy; marraine
          demoiselle Marie Pierret; seconds parrain et
          marraine Maître Jean Baptiste Charles Cordonnier
          Montaigu, procureur en la sénéchaussée du Moule
          et demoiselle Elisabeth Henry son épouse
     + Le Moule 14 8 1780

     Votre "veuve CORDONNIER" est donc Aimée Marie Jeanne,
veuve  (sans  enfants) depuis une dizaine  d'années  quand
elle  fit  connaissance de Jacques Joseph  BOUYER,  lequel
avait  près  de  dix ans de moins qu'elle.  On  la  trouve
recensée  au "Port de la Liberté" (nom révolutionnaire  de
Pointe-à-Pitre) chez les ROUBEAU,  le 6 thermidor an V (24
juillet 1797) (G1/501) :
          ROUBEAU, 55 ans, marchand
          son épouse, 26 ans
          Joseph, leur fils, 6 ans
          Pierre François, leur fils, 1 an
          Veuve CORDONNIER, 45 ans, couturière.
   Elle mourut en effet,  à Pointe-à-Pitre,  peu avant  la
lettre  du 24 frimaire an XI (15 décembre 1802),  mais  il
est sûrement impossible de retrouver sa sépulture :  le 21
thermidor  de l'an 10 (9 août 1802),  les citoyens Bernard
DUCOS et Pierre AILHAUD,  marchands, déclarent le décès le
matin à sept heures, dans la maison Bordeaux sise place du
Marché,  de  "la citoyenne Aimée Marie Jeanne HENRY  veuve
CORDONNIER,   âgée  d'environ  55  ans,  native  de  l'Ile
Désirade aux Indes occidentales,  fille de Denis Henry  et
de Marguerite Thomas".



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Révision 24/12/2004