G.H.C. Bulletin 79 : Février 1996 Page 1547

Les CELLON, d'Embrun (Hautes-Alpes) à la Guadeloupe :
les médecins, le héros et le bigame

A-t-il emporté la dot  ?  Dans  tous  les  actes  notariés
suivants, contrats de  mariage  en  particulier,  où  Anne
Désirée Mercier est présente, elle est dite "épouse de  M.
Cellon de Beauvillard, ancien  officier  d'infanterie"  et
elle demeure  à  Blondeau,  Trois-Rivières.  Mais,  le  21
décembre 1791 (Me Damaret), lors du règlement  des  droits
des héritiers de la veuve de Noël Mercier elle est "épouse 
séparée quant aux biens" (elle  ne  l'était  pas  en  juin
1788) "autorisée par justice à cause de l'absence  de  son
mari, en France depuis près de quinze ans", autrement dit, 
juste après le mariage.
     Quand  la  "dame  CELLON  BEAUVILLARD"  meurt  le  18
thermidor an XIII (6 août 1805) à Basse-Terre,  chez  Jean
Bruno Mercier son frère aîné,  son  mari  est  "absent  de
cette colonie depuis plus  de  27  ans",  comme  cela  est
indiqué dans l'inventaire après décès fait les 2 et 7 mars 
1806 par Me Roydot. Puisqu'elle meurt, bien entendu,  sans
postérité, les héritiers sont ses  six  frères  et  soeurs
alors vivants. Les créances s'élèvent à 18.880  livres  et
les dettes à 20.774 livres. Et l'inventaire  est  fait  en
présence  d'Antoine  Eloi  DUC,  procureur   impérial   au
tribunal  de  première  instance  de  Basse-Terre,   "dans
l'intérêt  de  M.  Cellon  Beauvillard,  absent"...  C'est
devant Me Castet, au cours des mois  de  juin  et  juillet
1807, que seront réglés les droits  successifs  entre  les
frères et soeurs de "la demoiselle Mercier épouse du sieur 
Cellon Beauvillard".

     Et le dit sieur, qu'est-il donc devenu ? C'est  grâce
à Adrien Gallet de Saint-Aurin que nous avons retrouvé  sa
trace... Jean Cellon, fils de Louis Cellon et de Catherine 
Lambert, âgé de 51 ans, né le 1er novembre 1745 et baptisé 
le lendemain à la Paroisse St-Donat d'Embrun  (c'est  bien
le même !) épouse à St-Germain en Laye le premier prairial 
an 5 (20 5 1797) Françoise Rose Louise CHOISEUL MEUSE ! 
     Cette nouvelle et jeune épouse de 26 ans, baptisée  à
Fort-Royal de la Martinique  le  15  octobre  1771,  était
fille  de  Maximilien  Claude  Joseph  comte  de  CHOISEUL
marquis de MEUSE, brigadier  des  armées  du  roi  et  son
commandant en second à la Martinique  (1736-1815),  et  de
Marie Anne Rose DUBUC d'ENNEVILLE. 
     Jean CELLON est  domicilié  en  la  commune,  rue  de
Pologne, et Françoise Rose  Louise  aussi,  rue  du  Vieil
Abreuvoir. L'époux indique qu'il est  "veuf  en  premières
noces d'Anne Marie  Désirée  MERCIER"...  La  promesse  de
mariage a été affichée à la porte de la maison commune  de
St-Germain-en-Laye le 28  floréal  (17  mai)  sans  "aucun
empêchement ni opposition"...
  Les témoins de l'époux sont François Hilaire Bouron,  52
ans, juge du tribunal civil de la Seine, domicilié à Paris 
rue des Folies Montmartre, et Jacques Gilbert Depierre, 67 
ans "vivant de son revenu", domicilié à St-Germain, 6  rue
des Ecuyers; ceux de l'épouse Philippe Nicolas Daussat, 68 
ans, vivant  de  son  revenu,  à  St-Germain  6  place  du
Château, et Jean Baptiste Gabriel Dupuis, 36 ans,  notaire
à St-Germain, 51 rue de Paris.

  "Après les signatures, les époux nous ont déclaré  qu'il
est issu de leurs oeuvres une fille  née  à  Paris  le  22
germinal an 4 (11 avril 1796), présentée au 5ème arrondis- 
sement, dite née de Jean Joseph Auguste Cellon Beauvillard 
et Marie Françoise Louise Meuse, son épouse. Nous  observe
le dit époux que les prénoms de Jean Joseph  Auguste  sont
une erreur et que  son  vrai  et  seul  prénom  est  Jean.
Observe l'épouse que les prénoms et nom de Marie Françoise 
Louise Meuse sont erronés et que ses vrais noms et prénoms 
sont Françoise Rose  Louise  Choiseul  Meuse.  Observe  en
outre que les mots "son épouse" sont encore une erreur  et
une fausse énonciation puisqu'à l'époque de  la  naissance
de la  dite  fille,  qui  a  été  nommée  Adélaïde  Louise
Virginie, le dit Jean Cellon et  la  dite  Françoise  Rose
Louise  Choiseul  Meuse  n'étaient  pas  mariés  ensemble;
qu'ils reconnaissent néanmoins  la  dite  Adélaïde  Louise
Virginie pour leur fille et comme telle habile à  succéder
à leurs personnes et biens".  

     Que d'"erreurs" ! Mais  il  faudrait  y  ajouter  une
autre,  plus  grave,  dans  l'acte  de  mariage  lui-même,
puisque l'époux n'était pas "veuf" de la malheureuse  Anne
Marie Désirée Mercier, oubliée bien loin, en Guadeloupe !
     Comme la demoiselle Mercier de Guadeloupe était  bien
vivante en 1797,  n'était séparée que  "quant  aux  biens"
d'un mari "absent", il faut bien en  conclure  que  Cellon
Beauvillard était bigame  et  ses  enfants...  illégitimes
(3).

     En effet, outre Adélaïde Louise Virginie  (décédée  à
Paris le 31 janvier 1801), il y eut au moins trois  autres
enfants :
- Maximilien Claude Joseph "fils de Jean CELLON,  proprié-
taire américain, âgé  de  51  ans,  né  à  Embrun,  et  de
Françoise Rose CHOISEUL-MEUSE" (signalé par Adrien  Gallet
de St-Aurin).
- Auguste François  Joseph,  né  à  St-Germain  le  12  et
déclaré le 13 ventôse 8 (3 et 4 3 1800); les témoins de la 
déclaration  de  naissance  (sans  doute  les  parrain  et
marraine) sont le grand oncle  maternel,  François  Joseph
Choiseul Meuse, domicilié à  Mantes,  et  Louise  Adélaïde
Lorimier veuve de Pierre Henry Beno t  Darquissade  Saint-
Fulgent, domiciliée à St-Germain, 4 rue de Noailles.
- Marie Joséphine, née le 11 et déclarée le 12 pluviôse 10 
(31 1 et 1 2 1802); témoins, Jean  Louis  Blanc,  50  ans,
demeurant ordinairement  à  Embrun  (Hautes-Alpes)  et  de
présent à Paris, rue du Four St-Honoré,  comme  député  au
Corps législatif, et Marie Thérèse Leroux Bréval, 49  ans,
veuve de Joseph Pierre Dabany, demeurant  à  St-Germain  6
place du Château.
     Les deux enfants qui, comme indiqué en marge, ont une 
"nourrice étrangère" (et  ne  sont  pas  "nourris  par  la
mère") sont nés chez leurs parents,  33  rue  aux  Vaches.
C'est là que meurt à 32 ans 1/2, le 10 brumaire 12  (2  11
1803), Françoise Rose Louise Choiseul  Meuse  (déclaration
faite par des voisins, Jean Joseph Calvet, ancien notaire, 
50 ans, et Simon Dupoty, 49 ans). L'épouse  guadeloupéenne
lui survivra 21 mois !

     Nous ne savons pas ce qu'est devenue  cette  famille.
Adrien Gallet de Saint-Aurin nous signale que, le 17 avril 
1807, Cellon Beauvillard  signe  à  Versailles  l'acte  de
décès  de  Pierre  Guy  Gallet  de   Saint-Aurin,   ancien
conseiller  au  conseil  supérieur  de  la  Martinique  et
procureur impérial près le tribunal civil de Versailles et 
qu'il est dit cousin du défunt (par  alliance,  la  grand-
mère du défunt étant une Dubuc).


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Révision 28/12/2004