G.H.C. Bulletin 83 : Juin 1996 Page 1644

Cultures aux Antilles : Évaluations et rendements
Guy Stéhlé

     Dans leurs recherches sur  les  cultures  tropicales,
les économistes, historiens et généalogistes sont  souvent
confrontés aux problèmes de valorisation à l'hectare.

     Les "terriers" et recensements anciens, les "minutes" 
de notaires et autres actes de vente  mentionnent  souvent
des évaluations en "carrés" ou en "nombre  de  pieds",  ce
qui ne rend pas aisée la transposition de ces données dans 
nos modes actuels d'évaluation statistique (7)

     Suite à une récente question sur ce sujet (GHC 95-159 
p. 1513), nous essayons d'apporter ici  quelques  éléments
de réponse en élargissant, chaque fois que possible, à  la
Guyane et à l'Ile Bourbon (La Réunion), sans nous  limiter
aux XVIIIème et XIXème siècles, mais en citant  aussi  les
sources traitant de la seconde moitié du XVIIème siècle.

                 Évaluation des surfaces.

     Il faut savoir que le système métrique n'a été intro- 
duit aux Antilles qu'en  1828.  Jusqu'à  cette  date,  les
superficies étaient évaluées en "quarrés" ou "quarauts" ou 
encore "carrés" de cent pas de côté. La référence était le 
"pas, mesure de Paris". D'une colonie à  l'autre,  le  pas
n'avait pas la même valeur, et par conséquent,  la  super-
ficie du carré, n'était pas la même non plus (7).

Guadeloupe
     Le pas mesurait 3 pieds (soit O,974 m.) et  le  carré
avait donc une  superficie  de  O,9496  hectare.  Le  plus
souvent, les économistes et historiens ont  transcrit  les
surfaces en considérant  le  "carré"  comme  équivalant  à
l'hectare.

Guyane
     Nous n'avons pas trouvé trace de la mesure précise du 
carré dans cette colonie. Il est vraisemblable qu'il avait 
une valeur proche de celui de  la  Guadeloupe.  En  effet,
lors de son audition par la Commission d'Enquête  sur  les
Sucres  (1),  en  1829,  Monsieur  RONMY,  propriétaire  à
Caïenne (sic), précise que, dans cette colonie, "le  carré
correspond assez justement à l'hectare".

Martinique
     Le pas valait 3,5 pieds (soit 1,134 m.) et  le  carré
représentait donc 1,2859 hectare. Ici aussi, nombreux sont 
ceux qui ont retenu l'équivalence avec l'hectare. Ceci  ne
nous paraît pas judicieux et il vaut  mieux,  sans  doute,
s'en  tenir  à  une  stricte  conversion,  comme  le  fait
Petitjean Roget (4).

Ile Bourbon (La Réunion)
    Dans cette île, l'unité de mesure était la "gaulette". 
Lors de son audition pour l'Enquête sur  les  Sucres  (1),
Monsieur  de  JEAN,  "propriétaire   à   l'île   Bourbon",
s'exprime ainsi :
- "Quelle est la mesure de  terre  nominalement  en  usage
dans la colonie ?
- "La gaulette".
- "Quelle est son étendue ?"
- "Quinze pieds en tous sens. Il faut 444  gaulettes  pour
faire un hectare".

    Densité des plantations et rendements à l'hectare

     Dans ce domaine, les  indications  sont  beaucoup  plus
fragmentaires; elles varient selon  les  sources  consultées
et aussi selon les "habitations". Voici ce  que  nous  avons
pu trouver  en  matière  de  densité  de  plantation  et  de
rendement pour le cotonnier, le  cacaoyer,  le  caféier,  le
gingembre, le manioc, l'igname,  la  canne  à  sucre  et  le
tabac (pétun).

     Il  nous  a  paru  utile  de  mentionner  les  diverses
données recueillies,  même  si  parfois  elles  apparaissent
divergentes.

Cotonnier

     Petitjean Roget (4) fournit une indication  fort  inté-
ressante concernant le XVIIème  siècle  (tome  II,  p.  647)
pour La Barbade,  mais  probablement  transposable  pour  la
Guadeloupe et la Martinique : "La plantation  barbadienne  à
laquelle nous venons de faire allusion couvrait  360  acres,
environ 185 hectares, et le rendement y était de 200  à  400
livres de coton par hectare.  En  1649,  à  la  Barbade,  la
valeur d'une plantation de 500 acres était estimée  à  6.450
livres de coton. Pour les  périodes  moins  anciennes,  seul
Lasserre, dans sa thèse (3) donne une  évaluation,  pour  la
Guadeloupe : "Les cotonniers se plantaient  généralement  de
8 pieds en 8 pieds de distance, ce  qui  donne  approximati-
vement 1.500 arbustes au "carré" (p. 364).
On peut raisonnablement penser  que  cet  écartement  devait
être couramment utilisé dans les autres colonies.

Cacaoyer

     Pour les XVIIIème et XIXème siècles,  quelques  données 
sont disponibles :
- Pour la Guadeloupe, Lasserre (3) indique (p. 364)  :  "Les
estimations  de  surface  en  "carrés"  ou   hectares   sont
calculées d'après un écartement de  8  pieds  en  tous  sens
(2,56 m.), soit environ 1.500 cacaoyers à l'hectare".
- Pour  la  Martinique,  Revert  (5)  estime  le  nombre  de
cacaoyers entre 1.530 et 1.550 à l'hectare.

Caféier

- Pour la Guadeloupe, dans la  note  infrapaginale  171  (p.
366) Lasserre (3)  fournit  les  renseignements  suivants  :
"Nos estimations de surface  sont  calculées  sur  un  espa-
cement en tous sens de  l'ordre  de  2,5  m.,  soit  environ
1.600 pieds de caféiers à  l'hectare.  Ce  n'est  évidemment
qu'une  approximation,  mais sans  doute  aussi  "approchée"
que  celle  des  "pieds  de  caféiers"  des  anciens  recen-
sements".
A partir du dépouillement des inventaires des  habitations
en cultures secondaires de la  Guadeloupe  entre  1771  et
1792, Schnakenbourg (6)  trouve  "une  grande  variété  de
situations, de 1.200 à 2.600 caféiers par carré, donc  par
hectare,  avec  une  concentration  plus  importante   des
données autour de 1800 à 1900 (p. 60)".
- Pour la Martinique, seul Revert (5),  à  notre  connais-
sance, donne une évaluation : il  retient  1.530  pieds  à
l'hectare.


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Révision 28/12/2004