G.H.C. Bulletin 91 : Mars 1997 Page 1904

MELVIL-BLONCOURT le communard marie-galantais ?

déclaration de Pierre Clément  Eugène  Pelletan,  l'unique
supporter  de  Melvil-Bloncourt,  précisant  que   "Madame
Bloncourt a chargé un député des colonies de protester  en
son nom contre les lettres de Cluseret."
(Cette protestation, si elle eut lieu, doit se trouver dans 
l'Analytique du Journal Officiel)

    Pelletan faisait allusion à un courrier daté de Genève 
du 7 février 1874, jour de l'arrivée  de  Melvil-Bloncourt
en Suisse, adressé à la commission,  où  en  substance  il
réfute les charges prononcées :
"Je dois à la vérité de déclarer que tout  cela  est  fort
exagéré. M. Melville (sic) avec lequel je  n'ai  eu  aucun
rapport direct depuis la Commune, et pour ainsi  dire  pas
pendant, vint me trouver en avril 71 sous l'empire  de  la
nécessité. Comme beaucoup  d'hommes  de  lettres  à  cette
époque il était sans ressources."
Essayait-il de disculper son ex-collaborateur  ?  Si  oui,
Melvil-Bloncourt a dû trouver maladroit son témoignage. Il 
faisait de lui quelqu'un qui avait  embrassé  la  Commune,
par nécessité plus que par conviction.
     Cluseret aurait-il interprété cavalièrement  certains
propos de Melvil-Bloncourt fondés  sur  une  argumentation
juridique de l'accusé ? D'un rapport circonstancié, Genève 
10 mars 1874, sous la plume de l'indicateur Ludovic,  nous
lisons ceci : "... Le dîner donné par Cluseret a été  très
animé relativement  à  Melvil-Bloncourt,  qui  persiste  à
répondre aux félicitations qui lui sont adressées au sujet 
des  poursuites  autorisées  par  la  Chambre,   que   les
poursuites sont injustes, qu'il  n'a  occupé  qu'un  poste
subalterne et que selon la justice, il ne  devrait  courir
aucun risque."

     Ouvrons ici une parenthèse pour présenter l'honorable 
correspondant de la Préfecture de police,  "Ange  Gardien"
de la proscription genevoise. Nous savons  infiniment  gré
au professeur Marc Vuilleurmier de l'Université de  Genève
de nous avoir mis sur la piste de ce singulier  personnage
(3).
"Ainsi Josselin, ancien membre du  Comité  central  de  la
Garde Nationale et Colonel Fédéré,  employé  de  commerce,
qui, sous le pseudonyme de Ludovic, sera certainement l'un 
des meilleurs informateurs de la police, tant au  sein  de
la proscription que, plus tard, chez les guédistes  où  il
militera."

Histoire de la vie de Voltaire

     Proscrit,  intellectuel  désargenté  dans   un   pays
étranger, que faire ? Sinon être serf de  sa  plume,  dans
l'espoir qu'elle vous rémunérera de vos  peines.  Dans  un
courrier du 31 janvier 1878 à Nadar, il presse son ami  de
lui trouver  un  éditeur,  afin   que  l'ouvrage  qu'il  a
entrepris paraisse à l'occasion du centenaire de  la  mort
de  Voltaire.  Melvil-Bloncourt,  en   effet,   avait   eu
l'ambitieux projet d'écrire une Histoire  complète  de  la
vie de  Voltaire.  Ce  livre  que  lui-même  appelait  son
"monument  de  Palenque",  ne  trouvant   pas   d'éditeurs
parisiens en dépit de diligents  intercesseurs,  Nadar  et
Troubat, secrétaire de Sainte-Beuve, il le  morcellera  en
six volumes.

    Il écrit de Genève le 21 mars 1878 à Nadar :  "Permets 
moi de revenir avec toi  sur  mon  Voltaire.  J'ai  appris
depuis un mois environ par Troubat l'échec que toi et  lui
aviez éprouvé. Cette nouvelle m'a quelque  peu  désespéré,
mais non abattu. Comme c'était surtout l'énormité du livre 
qui avait effrayé  messieurs  les  éditeurs,  j'ai  démoli
entièrement ce monument de Palenque et de ses débris  j'ai
construit  six  ouvrages  différents,  tous  les  six  sur
Voltaire, bien entendu".
     Ce sont : "Histoire complète de la Vie  de  Voltaire"
par Raoul d'Argental, "Voltaire et  l'Eglise"  par  l'abbé
Moussinot, "Voltaire à  Paris"  par  Edouard  Damilaville,
"Voltaire en Prusse" par l'abbé  Thiériot,  "Cent  et  une
anecdotes sur Voltaire" par Gaston de Genouville, "Le Bien 
et  le  Mal  qu'on  a  dit  de  Voltaire"  par  Maxime  de
Cideville.

   Dans la notice biographique qu'il a consacrée à  Melvil 
Bloncourt  dans  son  "Dictionnaire  des   Contemporains",
Gustave Vapereau glisse avec une perfidie bon enfant : "On 
lui a attribué la paternité de  trois  volumes  intitulés,
Histoire complète de Voltaire, Voltaire  et  l'Eglise,  et
Voltaire à Paris (1878) signés des  pseudonymes  de  Raoul
d'Argental, l'abbé Moussinot et Edouard Damilaville".
N'en déplaise à Vapereau, ces ouvrages ont bien existé  et
peuvent encore de nos jours être consultés  à  la  Biblio-
thèque de la ville de Paris et à la Bibliothèque  publique
et universitaire de Genève. Le 31 août 1990, le professeur 
Marc Vuilleurmier, -qu'il soit de nouveau  remercié-  nous
écrivait : "Je vous signale que la plupart des ouvrages de 
Melvil-Bloncourt sont dédicacés par lui à  Jules  Perrier,
un communard bibliophile, qui a légué ses collections à la 
Ville de Genève."
   Dans l'exemplaire "Cent et une anecdotes sur Voltaire", 
offert à la Bibliothèque Publique de Genève, nous  pouvons
lire la dédicace suivante  :  "Douze  exemplaires  de  cet
ouvrage porte t  le  vrai  nom  de  l'auteur,  M.  Melvil-
Bloncourt. Les autres  ont  paru  sous  le  pseudonyme  de
Gaston  de  Génouville.  Toutes  les  notes  signées   des
initiales G.G. sont donc de M. Melvil-B."

     Toutefois, si ce mémorial à la gloire  du  philosophe
ne put paraître  à  la  date  espérée,  l'anniversaire  du
centenaire de la mort de  Voltaire,  notre  exilé  fut  un
membre  actif  d'entre  ceux  qui  en  Suisse,  à  Ferney,
préparaient la commémoration de ce grand jour.  La  police
parisienne  en  fut  informée  par  son  fidèle  argousin,
Ludovic. On peut lire dans son rapport écrit de Genève, le 
29 mai 1878 : "Melvil-Bloncourt  fera  vendredi  soir  une
conférence à propos du Centenaire de Voltaire. Il  prendra
pour texte le refus du Gouvernement de faire du centenaire 
une fête nationale et démontrera que ce  refus  est  dû  à
l'influence du clergé. Il compte  s'étendre  préalablement
avec Razoua, Arthur Arnould et Lefrançais."
     La confirmation de la  véracité  de  ce  compte-rendu
policier, on la trouve dans une lettre de Melvil-Bloncourt 
du 25 juin 1878 : "Je comptais  sur  une  recette  de  500
francs au moins; mais une  pluie  torrentielle  est  venue
noyer ma pauvre conférence. Je n'ai fait  qu'une  cinquan-
taine de francs, tous frais payés."


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Révision 20/01/2005