G.H.C. Numéro 58 : Mars 1994 Page 996

Les frères MICHEL de la Martinique :
ces cousins méconnus de BELAIN d'ESNAMBUC

En janvier 1661 notamment,  il était de passage à  Dieppe. 
Là,  il  négocia  pour le compte de Guillaume,  son  frère 
resté  en Martinique,  la cession d'un engagé  nommé  Jean 
ISAMBART. Un habitant de la Martinique, un certain Nicolas 
HEBERT  avait,  en  effet,  déjà jeté son dévolu  sur  cet 
homme.  MICHEL dut dédommager HEBERT des frais qu'il avait 
engagés :  61 livres tournois pour le prix du voyage, plus 
quelques hardes (trois chemises et une paire de souliers). 
ISAMBART  et son maître prirent passage pour les îles dans 
le  navire  de Guillaume THUILLIER,  capitaine  de  Dieppe 
(36).

Les  affaires  devaient prospérer,  car  l'année  suivante 
Jacques  MICHEL  faisait à nouveau engager deux  hommes  à 
Dieppe.  Cette fois encore, c'est un habitant de la Marti- 
nique qui servait d'intermédiaire,  un nommé Julien  CIBAS 
(37).  Les deux engagés étaient Jean COUVAL,  de Neuville-
lès-Dieppe, et Pierre LECLERC, du Havre. On remarquera que 
le recensement des habitants de la Martinique, en 1660, ne 
mentionnait  aucun engagé travaillant sur l'habitation  de 
M.  de BÉNOUVILLE, alias Jacques MICHEL, à la Case-Pilote, 
mais seulement "6 nègres, 2 petits".

En  1666  Jacques  MICHEL était de nouveau de  passage  en 
Normandie.  Le  27 mars,  il venait signer en  l'étude  du 
notaire  du Havre un acte d'amortissement de rente que son 
frère  Guillaume  et  lui avaient constituée  en  1637  au 
profit de Jean EULDES, de Barfleur (38).

L'habitation  de  la Case-Pilote restera dans  la  famille 
MICHEL  jusqu'à ce que Marie MOREL,  ayant perdu son mari, 
décide de s'en défaire (39).  Il semble que Jacques MICHEL 
ait rendu l'âme à Dieu vers le mois de mars ou avril 1680. 
C'est  ce  qui  résulte  de  la  confrontation  des  dates 
figurant  sur  les documents connus (40).  A  cette  date, 
Marie  MOREL  résidait au Havre,  et ses  enfants  étaient 
encore mineurs.  De plus,  Guillaume MICHEL était vraisem- 
blablement,  lui aussi,  déjà décédé (41). L'habitation de 
la  Case-Pilote avait alors été mise  en  location.  C'est 
Antoine CHAMBERT,  dit LA RIVIERE,  un parent par alliance 
puisqu'il  avait  épousé la veuve  d'Etienne  MICHEL,  qui 
avait charge de percevoir les loyers.  Mais il n'était pas 
raisonnable  pour  Marie MOREL de conserver une  propriété 
aussi loin située. C'est pourquoi elle fut mise en vente.

Un acquéreur se fit connaître,  qui était sans conteste un 
des  plus  curieux personnages qu'on eût pu trouver  à  la 
Martinique à cette époque.  Arrivé aux îles en qualité  de 
simple engagé,  Jean ROY avait vite compris que le travail 
laborieux,  en  ce  pays comme ailleurs,  n'était  pas  le 
meilleur  moyen  de  faire  fortune.   Courageusement,  il 
préféra   tenter   quelques  voyages  en  mer   avec   les 
flibustiers.  Enrichi  ainsi sans trop attendre,  Jean ROY 
fut  alors en mesure d'acheter des habitations  en  divers 
quartiers  de  l'île (42).  Deux mille cinq  cents  livres 
tournois,  tel  fut le prix qu'il dut payer comptant à  la 
veuve  MICHEL  pour  acquérir son habitation de  la  Case-
Pilote.  L'acte  de  vente fut passé le  19  juillet  1680 
devant Me. NEEL, notaire à Montivilliers (43).

Le Capitaine Etienne MICHEL

La  carrière d'Etienne MICHEL n'est pas connue de  manière 
très  claire.  C'est en fait seulement en 1649 (44)  qu'il 
apparaît  ou  plutôt  réapparaît  à  Montivilliers.  Le  9 
octobre,  il  passait procuration à Olivier de  CASTILLON, 
son oncle, et le notaire le nommait alors "Etienne MICHEL, 
sieur de la RENARDIERE",  ce qui laisse supposer que Louis 
et  Etienne étaient encore dans l'indivision à cette date. 
Par ailleurs,  il est qualifié de "capitaine en l'isle  de 
Saint-Christophe".  On  eût préféré lire "ci-devant  capi- 
taine  en l'isle de Saint-Christophe",  ayant supposé plus 
haut  que les frères MICHEL avaient été chassés de  Saint-
Christophe  vers  1646.  Mais  peut-être  ne  faut-il  pas 
prendre  à la lettre cette formule qui,  selon l'usage  de 
l'époque,  pouvait  rester très vague,  ayant  surtout  un 
caractère  honorifique.  De plus,  les notaires,  même  en 
Normandie,   n'étaient  pas  précisément  des  maîtres  en 
géographie. Des documents plus explicites sont nécessaires 
pour conclure. Nous savons positivement, en tous cas, qu'à 
la  mort de Louis,  en 1652,  Etienne était capitaine à la 
Martinique  (45).  Il n'est pas impossible d'ailleurs  que 
Louis  ait  été  lieutenant dans  la  compagnie  même  que 
commandait Etienne.

Mais  les  officiers de milice aux îles étaient  aussi  et 
avant  tout  des planteurs.  Le 7 avril  1652,  un  ancien 
voisin  des  MICHEL à la savanne de  Saint-Christophe,  un 
nommé Michel DUFEU dit LA BEAUSSE, engageait au Havre pour 
le compte d'Etienne,  alors à la Martinique,  un  Cauchois 
originaire  de la Paroisse du Tilleul près  d'Etretat.  Le 
jeune  homme,  nommé  Nicolas LEROY,  était "alloué"  pour 
trois ans aux gages de 400 livres de petun.  On lui  donna 
pour  se  vêtir un habit de toile,  deux chemises  et  une 
paire  de souliers neufs.  Au premier commandement qui lui 
serait  fait,  LEROY devait s'embarquer dans le navire  de 
Jacques SOULAS,  capitaine de Dieppe. Il s'agit sans doute 
de  ce  Nicolas  LEROY dit LA FRAMBOISE (46)  qui  a  fait 
souche puis est mort au Macouba en 1685.

Sur  l'habitation qu'Etienne MICHEL possédait au  Prêcheur 
en  1660 (47),  travaillaient "trois  françois  (engagés)" 
dont  on  ignore  les noms,  et "16 grands  nègres  et  14 
petits".  Quatre  ans  plus tard,  c'est un  certain  Jean 
HÉRICHER,  assurément lui aussi originaire du pays de Caux 
d'après son nom,  qui commandait les serviteurs de l'habi- 
tation.

Lors  de  son décès au Prêcheur,  le 6 mai  1665,  Etienne 
MICHEL laissait une veuve,  Anne LEFEBVRE, âgée de 31 ans, 
et  trois jeunes orphelins :  Isabeau (9 ans),  Adrien  (6 
ans) et Anne , 5 ans (48).

Adrien MICHEL et le Père LABAT.

Les deux filles d'Etienne MICHEL,  Anne et Isabeau,  n'ont 
pas  eu la chance de laisser une trace flatteuse  dans  la 
littérature,  comme Adrien leur frère,  dont le Père LABAT 
(49) au fil de la plume, a abondamment loué la générosité.





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