G.H.C. Bulletin 19 : Septembre 1990 Page 187

1660 : LES CARAIBES SUR LES BRAS !

  Monsr.  DUBLANC  la  porta et trouva le pere  PONTHELIER
qui,  je croy, aida a la responce, qui fust aportée par le
capitaine des guardes et monsr. DUBLANC renvoyé avec : "je
suis serviteur a monsr. HINSELIN". Voicy la responce :

  "Mr., la compagnie que javois lorsque monsr. DUBLANC est
arrivé,  ma empesché de respondre a la votre.  Je ne  vous
puis  rien  dire sur ceque vous me mandez,  nestant  point
instruit  de ces affaires et nayant point de  connaissance
de  linterrest que vous y pretendez.  Je  vous  asseureray
seulement en général que jen useray, en ce rencontre et en
touts  les aultres,  comme je le dois et que le service du
roy et du public le demandent de moy.  Ce sont les  senti-
mens de, monsr., votre affect. etc."

  Depuis ce temps,  LA GARENNE est avenu icy me veoir, qui
dit que les caraibes apprehendent fort de venire pour moy,
parceque je puis juger.  Si ils navoient point les calibis
auxquels  ils  vont faire cruelle guere,  et pour cela  se
sont  aliez avec leurs ennemis mortels les arouagues  pour
ensemble  vanger  la  mort  de  5  dominiquains,  non  pas
neatmoins  jacobins,  encor moins martirs,  qui  ont  esté
massacrez  en  terre ferme par les calibis,  ils  auroient
sans  doubte rompu laliance et recommancé a tourmenter  et
les  anglois et marigalante et peutestre  la  guardeloupe.
Cependant,  de  sexposer a cela cest "en user comme il  le
doibt  et  comme le service du roy et du public le  deman-
dent",  particulierement  "nestant  pas  instruit  de  ces
affaires",  comme il le met luy mesme, et ayant a sa porte
Jean  JARDIN  qui luy en eust donné  connaissance.  Je  ne
mestands pas davantage la dessus;  je vous prie excuses le
charactere.
  A mon retour, ou javois fait exercice assez violent, jay
rencontré  le capitaine LA JAUNEST de st malo qui  matten-
doit pour se rembarquer, si bien qua peine jay peu maquit-
ter de celle cy. Je suis au desespoir de ne pouvoir rendre
mes debvoirs a mon pere :  si vous avez la bonté de luy en
parler, il mexcusera.
  Madame et toute votre maison est en parfaite  santé.  Et
moy vous suis

  Monsieur

                 Tres humble et tres obeissant serviteur
                                        P. HINSELIN

  Joublioys a vous dire que le fils de monsr.  DUBOIS fait
mine  de  vouloir  vendre et aimeroit bien  de  largent  a
paris.   Cette  sucrerie,  avec  celle  de  DAVIDON,  vous
fairoient  un beau revenu.  Mandez moy,  sil vous  plaist,
votre resolution; je feray tousjours mesnager son esprit :
DU THIERY y songe pour son frere qui est a st christophle.
  Je vous demande pardon de ma liberté.  Madame a eu  plus
de temps,  aussi elle a plus escrit.  Je vous prie que mes
freres ayent asseurance de mes services. Je vous priray de
songer a (la ligne de fin est raturée et illisible).


Nota : l'orthographe a été conservée mais les abréviations
supprimées et la ponctuation introduite pour faciliter  la
compréhension.
Principales  abréviations supprimées :  vre ->  votre;
q. (même en fin de mot : dominiq., martiniq.) -> que.
Par ailleurs, le j est écrit i mais nous avons restitué la
graphie actuelle.
Toujours  pour faciliter la lecture,  nous avons créé  des
paragraphes  et  séparé par un interligne  les  copies  de
lettres, alors que l'original n'a ni paragraphe ni sépara-
tion.
Le  post-scriptum,  que  nous  avons  transcrit  après  la
signature,  est  en fait intercalé entre "Monsieur" et  la
formule  finale  et terminé,  sur deux lignes,  en  marge,
transversalement.

                           ***

                       Commentaires

CARAIBES, CALIBIS ET AROUAGUES
Sont  évoqués  dans  cette  lettre  les  trois  principaux
groupes  de  "Sauvages" :  les caraïbes,  les galibis  (ou
calibis),  et  les arawaks (ou  alouagues,  ou  arouagues,
etc.).
Tous  les  chroniqueurs  parlent  avec plus  ou  moins  de
précision,des  "Sauvages".  Un passage du père  Chevillard
est particulièrement évocateur des cruelles guerres  entre
eux (p. 115 à 117) :
"Ces terres qu'on appelle Nations Alouagues, lesquels sont
en continuelles guerre contre les Barbares Galibis et  nos
Sarazins  ou cruels Sauvages Caraïbes :  guerre entre  ces
Infidèles si étrange et inhumaine que,  se prenant les uns
ou les autres dans l'attaque, c'est un grand bonheur quand
on  ne  sert point de curée et que l'on n'est point  mangé
des vainqueurs, vu que ces Idolâtres tirent avantage de se
gorger de leurs ennemis et de dévorer leur chair comme  la
viande  la plus délicate du monde,  après l'avoir boucanée
et  grillée  vive sur les  charbons,  dans  une  assemblée
solennelle."
Le  père  Raymond Breton précise les relations entre  ceux
des îles et ceux de Terre Ferme (p.  52) :  "Nous appelons
ceux  de  Terre  Ferme  qui sont  amis  de  nos  Sauvages,
Gallybis, et nos Sauvages, Karaïbes". Quant à ces derniers
(p.  76-77)  :  "Ils  ont une haine implacable contre  les
Allouaques, qui sont de certains peuples de Terre Ferme."

LE TRAITE AVEC LES CARAIBES
Il fut signé à Basse-Terre le 31 mars 1660 (Dutertre, I p.
564 à 570) :  "L'Assemblée composée de nos Pères  (Domini-
cains) et des plus considérables (habitants) de l'Isle, se
tint  au logis de M.  HOUEL au quartier de la Basse-Terre,
où  il  se trouva quinze Sauvages des  plus  renommés  des
Isles  de Saint Vincent,  de la Dominique,  et de ceux qui
avaient  été chassés de celle de la Martinique.  Tout  s'y
passa  fort paisiblement et au contentement des deux  par-
ties."
HOUEL  avait été chargé par les gouverneurs de  Martinique
et St Christophe,  d'établir ce traité de paix "parce  que
la  dite Isle Martinique était engagée dans la guerre avec
les dits Sauvages il y a plus de six ans,  qui a causé  de
très grands malheurs par les meurtres,  incendies et enlè-
vement de Nègres,  fait par les dits Sauvages,  en quoi le
service du Roi a reçu un notable préjudice."

LES PERSONNES CITEES

HOUEL, "MADAME", HINSELIN, d'HERBLAY
Charles  HOUEL,  sieur  du PETIT  PRé,  gouverneur  de  la
Guadeloupe  en 1643,  puis seigneur-propriétaire avec  son
beau-frère Jean de BOISSERET,  époux de sa soeur Madeleine
HOUEL,  de  1649 à 1664.


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Révision 26/08/2003