G.H.C. Numéro 68 : Février 1995 Page 1283
Croisière aux isles au temps de la guerre d'Amérique
J'ai laissé dans ce port, ainsi qu'il m'était prescrit
par mes instructions, les effets dont j'ai cru pouvoir me
passer pour mon retour. J'y ai remis quelques matériaux
propres à faire des vergues et des tangons, deux grelins
et un câble.
J'ai débarqué ici Mr BOISVILLE, trésorier à la Marti-
nique, et Mr de MONERA, capitaine de grenadiers au
régiment de la Guadeloupe, que j'avais embarqués par les
ordres de Mrs les généraux de ces deux colonies.
J'ai aussi ramené de la Guadeloupe le nommé VIREVOLET,
pilote du roi entretenu à Rochefort et 7 matelots qui
faisaient partie de l'équipage de la goélette "Le Goré"
que ce pilote avait conduit de Rochefort à Goré (sic) et
qui y a été désarmée. L'ordonnateur qui commande dans
cette île n'ayant pas eu d'occasion de les renvoyer direc-
tement en France les avait fait passer à la Guadeloupe
pour s'y embarquer sur les premiers bâtiments qui
partiraient. Mr le président de PEYNIER m'en a chargé
ainsi que du père MONET, recolet, ci devant aumônier à
Goré, qui, ayant été relevé, devait aussi être ramené en
France. Le père s'est embarqué à mon bord pour y faire les
fonctions d'aumônier parce que j'avais débarqué le mien à
la Martinique quand j'ai quitté cette colonie, sur la
demande que m'en avait faite Mr le président TASCHER à
cause du besoin qu'on y avait de prêtres pour faire le
service des hôpitaux.
J'ai aussi ramené en France Madame BAYON, femme du
sénéchal et lieutenant général de la Guadeloupe, dont la
santé absolument détruite par le climat de l'Amérique la
mettait dans le plus grand (danger) d'y succomber si elle
ne retournait très incessamment en sa patrie; son état
était tel qu'elle n'aurait pas pu risquer de passer sur un
bâtiment marchand parce qu'elle avait absolument besoin
qu'un chirurgien veillât sur sa situation pendant la
traversée. J'ai cru devoir aux prières de Mr BAYON, dont
la place et la considération dont il jouit dans cette
colonie méritent des égards, et à l'état malheureux de
cette jeune femme, bien faite pour intéresser par sa
triste position, de leur rendre ce service important; je
ne l'ai fait cependant qu'après avoir consulté Mr d'ARBAUD
et m'être assuré de son approbation. Je me suis flatté,
Monseigneur, que vous ne désapprouveriez point cet acte
d'humanité et d'honnêteté.
Je dois rendre justice à la qualité des vivres qui
m'avaient été fournis à Brest; ils ont été très bons; je
n'ai pas à beaucoup près à me louer autant de ceux que
j'ai pris à L'Orient : il y a eu du pain gâté, ce que
j'attribue à la mauvaise qualité des blés et le vin était
si faible que j'ai mis peu de pièces en consommation sans
qu'elles soient aigries presque tout de suite.
Je suis entré ce matin dans ce port et je vais faire
tout de suite travailler à mon désarmement
J'ai l'honneur d'être avec respect, Monseigneur,
Votre très humble et
très obéissant serviteur
Le chr de BAUSSET
Colonies C/8a/75
Quelques personnes citées (source : index C/8) :
- Antoine Hilarion chevalier de BAUSSET deviendra chef
d'escadre (1779) puis lieutenant général (1784). On peut
lire aussi (C/8a/74 et 75) ses lettres des 30 novembre
1775 (traversée de Lorient à la Martinique avec
"L'Oiseau", "Le Zéphyr" et cinq bâtiments marchands
transportant les trois bataillons de la Marine, de Navarre
et de Guyenne) et 8 janvier 1776 (croisière sur les côtes
de Guadeloupe et Marie-Galante; saisie d'une goélette
anglaise; arrivée des corvettes "Le Rossignol" et "Le
Serin") et son éloge par NOZIèRES du 28 février 1776. Le 9
mars 1776, PEYNIER dresse l'état de la dépense faite à la
Guadeloupe à l'occasion des séjours de la frégate du roi
"L'Oiseau" en janvier, février et mars (C/7a/35).
- Vital-Auguste de GRÉGOIRE comte de NOZIèRES, gouverneur
général de la Martinique; Elzéar Alexandre BACQUI comte
d'ARBAUD de JOUQUES, de la Guadeloupe.
- Philippe Athanase TASCHER, intendant à la Martinique;
Louis de THOMASSIN marquis de PEYNIER à la Guadeloupe.
- Gaspard BAYON et sa femme : voir GHC 63 pp. 1122-1124.
- William chevalier YOUNG, gouverneur de la Dominique.
- LEVACHER de BOISVILLE, d'abord receveur général du
Domaine, fut trésorier principal de la Marine et des
colonies à la Martinique de 1772 à 1778. Il part pour
France rendre compte du règlement de la faillite du sr
DAUX, son commis; TASCHER fait état de ses bons services.
NOTES DE LECTURE
Pierre-François de L'ESPINASSE, chanoine du Mans,
puis curé de Pommerit-le-Vicomte, puis émigré
en Angleterre, à St-Domingue, à la Jamaïque, en Louisiane
Gabriel Debien
in "La Province du Maine", tome 73, oct-déc. 1971
Pierre Baudrier nous a envoyé cet article pour le
transmettre à Augusta Elmwood (94-132, pp. 1147 et 1182).
Nous en extrayons les noms de Domingois cités, dont la
plupart accompagnés de notes de G. Debien pour les situer.
- 1791-1798 : en Angleterre, secrétaire de Mgr d'OSMOND,
évêque de Comminges, créole de St-Domingue et prétendant
être nommé évêque de toutes les Antilles.
- 1798 : à St-Domingue (Jérémie), nommé par le P. LECUN,
dominicain, préfet apostolique.
- 1798-1804 : à la Jamaïque; nombreux réfugiés de St-
Domingue cités, le chevalier de PARANTY, LA MIRANDOLE,
Rose DELBOIS, Mme GABAULD, BRISSON, baron de VERTEUIL,
maréchal de LOPPINOT, CADIEU, PRIEUR, FOURNIER de
L'HERMITAGE, LAFOND de LADÉBAT, LUBIN, ONFROY, BILLARD,
marquis de CONTADE, marquis de LA VILLÉON, marquis de
COCHEREL, chevalier de LA FITTE (Jean Antoine Alexandre,
officier au régiment du Cap et colon de St-Marc),
d'AMBREMON, le curé ISABEY.
- 1804-1816 : en Louisiane.
RÉÉDITION
Les Cahiers du Patrimoine rééditent "Bijoux créoles"
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