G.H.C. Numéro 68 : Février 1995 Page 1284

Media-Tropical (92.6 F.M.)

     Ecoutez-vous  la radio ?  Guy Stéhlé  nous  conseille 
Media-Tropical  avec "Les Temporelles" le jeudi soir  vers 
20h  et  ses propres "Chroniques" qu'il assure  depuis  le 
mois  de  novembre 1994,  le lundi matin à 7h au début  du 
journal, avec reprise à 8h et au cours du journal de midi.

     Il nous a fait l'amitié de nous en envoyer le  script 
(pardon,  le  texte écrit) et nous pouvons en remarquer la 
variété  :  modernisation  et préservation du  patrimoine, 
participation antillaise à la guerre de 1914-1918, intérêt 
des  recensements,  légendes antillaises (que  nous  avons 
déjà  évoquées,  comme  la Sultane Validé et la  responsa- 
bilité de JOSÉPHINE dans le rétablissement de l'esclavage) 
mais  aussi le général DUGOMMIER,  les Antillais  à  Poly- 
technique ou encore la "créolisation" des végétaux.

    Avec son accord, nous avons choisi deux chroniques que 
nous vous donnons à lire ci-après :

              Deux Antillais à Polytechnique 
   Guy Stéhlé pour Média Tropical, le 12 décembre 1994

     On a célébré, en grandes pompes, voici quelques mois, 
le centenaire de l'Ecole Polytechnique.
  A cette occasion, de nombreuses interviews,  reportages, 
documentaires,  ouvrages  ont  rappelé ce  qu'était  cette 
institution,  comment elle a contribué à former des  mili- 
taires  et  fonctionnaires d'élite et  polyvalents.  On  a 
expliqué  son  évolution,  on a même fait mention  de  son 
ouverture aux nouvelles techniques. On a, bien sûr, évoqué 
le fait que, désormais, elle est accessible aux femmes.

     Mais,  dans  toutes  ces  rétrospectives  et  présen- 
tations,  rien  sur la place de la communauté d'outre-mer. 
Comme souvent, nous avons été oubliés !
  Et  pourtant,  sans  parler des  jeunes  générations  de 
Domiens  qui  "intègrent"  cette  école  prestigieuse,  il 
aurait  été  décent  de  mentionner,  dans  l'histoire  de 
l'Ecole,  au moins deux Antillais célèbres,  l'un mulâtre, 
l'autre noir.
     Le Noir,  je pense que bon nombre de nos auditeurs le 
connaissent, je l'ai mentionné dans une chronique récente, 
il s'agit du Guadeloupéen Camille MORTENOL.  En dehors  du 
fait  que ce fut un militaire exceptionnel,  il a  laissé, 
dans  cette  Ecole,  une empreinte durable  puisque  c'est 
depuis  son  passage  et son entrevue avec  MAC-MAHON  que 
l'expression  de  "nègre" caractérise l'individu  le  plus 
travailleur.
     Le Mulâtre,  quant à lui,  mérite qu'on s'y intéresse 
de  plus  près.  C'est le  Martiniquais  François  Auguste 
PERRINON,  né à Saint-Pierre,  qui,  à vingt ans, en 1832, 
fut  réellement  le  premier  polytechnicien  de  couleur. 
PERRINON aurait dû,  à ce titre, être mis à l'honneur lors 
des cérémonies commémoratives.
  Il a joué un rôle capital dans le comité des colons  qui 
demanda  l'abolition immédiate de l'esclavage au  ministre 
ARAGO.
  SCHOELCHER,   avec  qui,  antérieurement,  il  avait  eu 
quelques malentendus, le fit entrer dans le Comité d'éman- 
cipation  et c'est lui qui sera envoyé,  après le 27 avril 
1848,  comme  commissaire  général à  la  Martinique  pour 
mettre en place les nouvelles structures de la colonie.
  Partisan  de l'association "blanc-noir" dans le  domaine 
de  l'organisation  du travail dans l'agriculture,  il  ne 
fera pas l'unanimité sur ces thèses. On dira même de lui : 
"Blanc  marré tête li,  ennique travail qui en bouche  li" 
(les Blancs l'ont circonvenu, il ne parle que de travail). 
PERRINON savait pourtant de quoi il parlait : ayant acquis 
des salines à Saint-Martin,  il fut le premier à se lancer 
dans  des  expériences innovantes pour démontrer  que  les 
esclaves  et les affranchis pouvaient travailler avec  des 
stimulants matériels. 
  Dans  la droite ligne de ce qui lui avait été  enseigné, 
il  fut  toujours un homme d'honneur.  C'est  ainsi  qu'il 
refusa  de  faire  allégeance à  Napoléon  III  qui  avait 
confisqué le pouvoir et supprimé le suffrage universel.
     Voilà  deux  hommes qui font honneur à l'histoire  de 
cette grande Ecole.  Il est donc impardonnable  que  leurs 
noms n'aient pas été prononcés ni mis en exergue auprès du 
grand public.

                   L'homme et la nature
   Guy Stéhlé pour Média Tropical, le 19 décembre 1994

     Le  rôle  joué par l'homme pour façonner  la  nature, 
depuis  les  temps  les  plus reculés,  est  tout  à  fait 
fascinant.  Chaque génération apporte,  selon ses goûts ou 
ses  besoins,  sa contribution à la transformation de  son 
environnement. 
  Mises à part quelques réalisations spectaculaires,  cela 
s'est fait,  au moins jusqu'à une époque  récente,  plutôt 
lentement, sans que les contemporains en prennent vraiment 
conscience. La chose n'apparaît nettement qu'avec le recul 
du  temps,  à  la lecture d'ouvrages  anciens,  ou,  mieux 
encore,   à  l'examen  de  cartes  postales  ou   gravures 
d'autrefois.  Finalement,  ce  sont  les  spécialistes  ou 
amateurs  d'histoire,  de  botanique  ou de  zoologie  qui 
peuvent nous éclairer. 
  Prenons deux exemples :
- Quelles  images le touriste pressé,  mais  attentif  aux 
choses du pays, garde-t-il de son voyage aux Antilles ?
  De  belles plages ombragées de cocotiers,  de raisiniers 
bord  de mer;  une mangrove littorale de  palétuviers  aux 
élégantes   racines  aériennes,   des  routes  ornées   de 
flamboyants,  palmiers  royaux  ou filaos que  traversent, 
d'un trait,  les mangoustes; d'immenses champs de cannes à 
sucre, de bananiers ou d'ananas.
  Autour  des cases créoles ou des hôtels,  il est  charmé 
par  les haies d'hibiscus multicolores,  la profusion  des 
bougainvilliers  grimpants  ou  la  présence,  plus  rare,
d'arbres du voyageur.
  S'il  emprunte  la route de la Trace  en  Martinique  ou 
celle  de  la Traversée en Guadeloupe,  il ne  manque  pas 
d'être  impressionné  par  la beauté  des  balisiers,  les 
énormes  bouquets de bambous,  la taille  gigantesque  des 
fougères arborescentes,  la majesté des acomats,  gommiers 
et autres arbres de la forêt tropicale humide.  Avec de la 
chance et un peu de patience, il peut y observer le racoon 
ou le manicou.
  Il   s'en   retourne  chez  lui,   chargé  de   brassées 
d'anthuriums  et  de  roses  de  porcelaine  qui,  pendant 
quelques  semaines,  seront  les ultimes  témoins  de  son 
séjour enchanteur.





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