G.H.C. Bulletin 72 : Juin 1995 Page 1361

PRINTEMPS CRÉOLE 95

Il constate que de nos jours deux thèses s'affrontent : 
    - la notion de l'intégration telle  que  l'a  toujours
pratiquée la France, quels qu'en soient les régimes  poli-
tiques;  c'est  l'acceptation  des   règles   (politiques,
civiques,  sociales  culturelles...)  du  pays  d'accueil;
c'est aussi la notion du melting pot américain;
    - la recherche souvent militante, et donc la "revendi- 
cation" par une  communauté,  d'une  autonomie  culturelle
politique, musicale, littéraire, et  finalement  juridique
au sein du pays d'accueil.

     * - M. Philippe ROSSIGNOL, président de Généalogie et 
Histoire de la Caraïbe, présente les caractères  originaux
du peuplement et de la généalogie dans les îles françaises 
de la Caraïbe, par quelques rappels historiques et  socio-
logiques.
     La première installation pérenne d'Européens dans  la
Caraïbe date de 1625 et a eu lieu à Saint-Christophe (3).
    Les îles, qui sont par nature des isolats, ont suscité 
de la part des populations qui  y  résidaient  une  grande
mobilité géographique, religieuse, sociale,  juridique  et
de nationalité.
     Les structures  sociales  métropolitaines  (noblesse/
clergé/tiers-état) ne sont pas transposées dans  les  îles
de la Caraïbe, où la femme demeure la seule  personne  qui
assure la pérennité du monde créole et de l'éducation.
     M. ROSSIGNOL termine son exposé en insistant  sur  la
force des traditions orales dans la culture créole et  sur
le fait que son intérêt pour l'histoire et  la  généalogie
lui ont fait découvrir que différents mythes doivent  être
détruits, sinon largement ébranlés. Il s'agit notamment du 
"soi-disant" peuplement  uniquement  normand   de   Saint-
Barthélemy : si, à l'origine, il a pu exister un noyau  de
peuplement normand à St-Barthélemy, il n'est pas  constaté
dans les documents d'archives que seuls des  Normands  ont
peuplé cette île. L'explication, simple, est  fournie  par
les règles dégagées de l'observation des historiens et des 
sociologues :  lorsqu'il  existe,  à  l'origine,  dans  un
isolat, un noyau de peuplement, il est couramment constaté 
que les nouveaux arrivants  s'intègrent  rapidement  à  ce
noyau initial, à ses usages et à ses coutumes.
     Autres mythes à détruire : il est souvent dit que les 
îles ont été "peuplées" de femmes de mauvaise  vie.  Toute
généralisation est abusive; les  documents  d'archives  ne
permettent nullement de confirmer une telle assertion.
     Même attitude  en  ce  qui  concerne  les  "nombreux"
nobles qui auraient constitué la base  du  peuplement  des
îles. En fait, il n'y  eut  que  très  peu  d'authentiques
aristocrates; en revanche, la "création" de  titres  nobi-
liaires fit  florès,  tandis  que  les  petites  gens  ont
constitué la majorité des habitants de ces îles.

     * - M. Claude-Valentin MARIE, démographe,  chargé  de
mission au ministère des affaires sociales, de la santé et 
de la ville, a présenté un exposé sur les aspects démogra- 
phiques du monde créole antillais.
- la présentation sociale et économique -
     M. MARIE brosse d'abord un tableau  de  la  situation
d'ensemble des Antilles (Guadeloupe, Martinique)  qu'il  a
étudiée à partir du recensement général de  la  population
française de 1990. Il indique à cette occasion les "points 
forts" notamment que les chômeurs représentent 30 % de  la
population de la Martinique, que 1 Martiniquais sur 4  vit
hors de la Martinique, que 211.000 personnes natives de la 
Martinique vivaient, en 1990, en Métropole,  soit  l'équi-
valent de la population totale de la Martinique en 1954 ! 
     M. MARIE se demande, si  les  mêmes  pourcentages  et
rapports étaient appliqués  à  la  population  hexagonale,
comment la France vivrait une telle situation tant sur  le
plan économique, que social et identitaire.
     - les migrations - leur histoire - leur nature -
     Les Antilles ont été, jusqu'au début du XXe siècle un 
pays d'accueil dans le cadre des migrations nationales  et 
internationales. Celles-ci étaient alors des migrations de 
peuplement, de colonisation.
     A  partir  du début du début du XXe siècle,  voire du 
milieu du siècle,  les flux se sont inversés  radicalement 
et  ont changé de nature et de motivation :  les  Antilles 
sont devenues des pays d'émigration,  de travail,  souvent 
organisée par les responsables politiques (années soixante 
et le Bumidom...), enfin pour nombreux cas  des  personnes
intéressées, il s'agit de migrations souhaitées. Ainsi, en 
1990,  71.000 actifs (4) et nés à la Martinique occupaient 
un emploi en Métropole tandis qu'à la même date les actifs 
occupant un emploi à la Martinique n'étaient que 110.000 !
     - Ce sont les femmes essentiellement qui migrent.  Le
taux d'activité des femmes antillaises en Métropole est de 
71%. Ce taux est supérieur au taux d'activité  des  femmes
aux Antilles et est  équivalent  au  taux  d'activité  des
hommes métropolitains dans l'Hexagone.
     Par ailleurs, les femmes  antillaises  ont  davantage
d'enfants que les femmes métropolitaines et  elles  conti-
nuent à travailler pendant la partie non légale  de  repos
de maternité, et après la maternité. 
     Cette situation tout à fait particulière laisse  ima-
giner tous les problèmes de vie quotidienne et d'éducation 
des enfants, de gestion de la famille, et montre bien  que
la différence de stratégie de vie entre  la  femme  antil-
laise et la femme métropolitaine. La femme antillaise  est
souvent une célibataire avec enfants... et qui a été  dans
cette  situation  matrimoniale  dès  l'entrée  dans  l'âge
adulte ou sur le marché du travail,  alors  que  la  femme
métropolitaine se retrouve dans cette situation plus géné- 
ralement à la suite d'une  rupture  de  la  vie  conjugale
(divorce ou rupture d'union libre).
     - les statistiques -
     M. MARIE indique qu'il a travaillé à partir du recen- 
sement général de  la  population  française  de  1990,  à
partir des fichiers de l'INSEE et  avec  l'aide  de  cette
institution lui garantissant  la  fiabilité  des  chiffres
produits. 
     En 1990,  la  Martinique  était  peuplée  de  359.000
habitants, toutes origines et tous âges confondus;  et  la
Guadeloupe 387.000 habitants. A la  même  époque,  environ
350.000 originaires des Antilles françaises résidaient  en
Métropole, soit la quasi-totalité de la population  de  la
Martinique. Le nombre de personnes originaires de tous les 
DOM-TOM atteignait alors 600.000.
     On aboutit et on constate une manifestation de l'être 
antillais qui se résume par cette interrogation :  comment
penser, dans l'espace institutionnel français,  un  espace
antillais différent, spécifique ?



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