G.H.C. Numéro 77 : Décembre 1995 Page 1494

TRAHISON DES ROYALISTES GUADELOUPÉENS PAR LES ANGLAIS

     Je  m'arrête  et supprime les réflexions que  doivent 
naturellement  faire naître un  enchaînement  d'événements 
aussi malheureux,  je me tais sur celles bien douloureuses 
de  devoir nos malheurs à la mauvaise conduite de quelques 
officiers  de l'armée anglaise dont nous attendions  notre 
future félicité. Vous ne manquerez pas de les saisir et je 
vous épargnerai quelques moments d'ennui :  ma lettre  est 
déjà si longue !

     J'ai  reçu en son temps la lettre que vous écriviez à 
mon  frère  par  Mdes de  LIGNI  et  d'OLONNE  (13).  Nous 
l'avions  perdu  peu de temps auparavant;  il était  tombé 
victime  des  fatigues et de la douleur que  nous  avaient 
occasionné  l'arrivée  des Républicains à  la  Guadeloupe. 
Recevez-en mes remerciements et,  s'il vous reste quelques 
heures  de loisir,  écrivez quelquefois à  votre  ancienne 
connaissance,  à  votre  ami  de vingt ans qui  vous  sera 
toujours dévoué.

                 BOYER L'ÉTANG

BARBIER  DES MARAIS (14) me charge de vous faire  ses 
compliments;  il est mon compagnon d'infortune. Roseau est 
peuplé d'émigrés de la Guadeloupe.

NDLR : identification de certaines des personnes citées

(1) L'auteur de la lettre est probablement François  Moïse 
BOYER de L'ETANG,  d'une famille protestante originaire de 
Bordeaux.  Baptisé  à Capesterre le 25 mai 1757,  il était 
fils de Jean Jacques BOYER de L'ETANG, habitant de Goyave, 
commandant de Petit-Bourg,  député de Goyave à l'Assemblée 
coloniale et décédé à Goyave en avril 1789 à 65 ans, et de 
Jeanne  Françoise GRESSIER.  Il était  lui-même  capitaine 
aide  major  de milice de Petite Goyave mais  demeurant  à 
Baie-Mahault,  puis,  en 1793,  maire du quartier de Baie-
Mahault.  Le  14 avril 1788,  il avait épousé à Goyave une 
jeune fille de 17 ans, Julie de LA GARDE, fille de messire 
André  Benoît,   écuyer,  conseiller  du  Roi  au  conseil 
souverain,  et de dame Hélène BERMINGAME.  Nous ne  savons 
pas  ce  que  sont  devenus le couple  et  leurs  enfants, 
émigrés à la Dominique d'abord,  pendant et après la Révo- 
lution. François Moïse avait trois soeurs et un frère aîné 
célibataire,  Jean André Henri,  né en 1754, lieutenant du 
bataillon de Capesterre en 1780.  C'est de lui dont il est 
question à la fin de la lettre. 
Dans  la  liste des émigrés de l'an IV,  on trouve bien  à 
Baie-Mahault  "BOYER  LÉTANG,  sa femme fille  LAGARDE  et 
leurs enfants".
(2) DARROT :  René Marie vicomte d'ARROT,   commandant  en 
second de la Guadeloupe,  commandant par intérim, après le 
décès de CLUGNY en juillet 1792. 
(3)  BRUNSWIC = BRUNSWICK,  général commandant les troupes 
de Prusse et d'Autriche,  auteur du manifeste du même nom, 
menaçant Paris de représailles s'il était porté atteinte à 
la famille royale, se retire après Valmy.
(4)  COLLOT  :   Georges  Henri  Victor  COLLOT,  général, 
gouverneur  de  la  Guadeloupe depuis  le  28  mars  1793; 
capitule devant les Anglais le 20 avril 1794.
(5) DUNDAS :  général commandant les troupes anglaises  de 
la Guadeloupe, mort de la fièvre jaune peu avant l'arrivée 
de  Victor  HUGUES,  enterré au fort Saint-Charles  de  la 
Basse-Terre.  Victor  HUGUES  après  sa  victoire  le  fit 
déterrer et jeter à la voirie.
(6) Fleur d'Epée : ce fort défendait la baie du Gosier.
(7)  Sainte-Marie  :   entre  Capesterre  et  Petit-Bourg. 
C'était  l'habitation  de la famille POYEN à  laquelle  la 
famille  BOYER  était apparentée.  Jean Baptiste POYEN  de 
SAINTE MARIE,  né en 1748, était le beau-frère de l'auteur 
de la lettre. Il meurt à Fort Royal en 1796. Ni lui ni ses 
enfants, trop jeunes, ne devaient être au Camp St Jean. 
(8)  HUGHES  :  Jean Baptiste Victor  HUGUES,  commissaire 
civil  de  la Convention en Guadeloupe depuis  le  2  juin 
1794; il restera 4 ans en Guadeloupe.
(9) Général SYMES ou SYMS : commandant en chef des troupes 
anglaises.
(10) touer :  remorquer un bateau en halant sur une chaîne 
ou des ancres mouillées au fond de la rivière ou du canal. 
Au  Moule  on peut encore voir des  ancres  enrochées  qui 
servaient à touer les navires.
(11) 7bre :  septembre (et non juillet). On trouve aussi : 
8bre (octobre); 9bre (novembre); Xbre (décembre). 
(12) MONROUX : Pierre MONROUX, capitaine de port à Pointe-
à-Pitre, né à la Martinique (voir GHC p. 839) 
(13)  Mdes  de  LIGNI  et  d'OLONNE  :  Pauline  Elisabeth 
Gabrielle POYEN (+ Fort-Royal 12 11 1794) veuve de Gabriel 
Pierre  Robert  HURAULT de LIGNY (+  1782),  et  sa  nièce 
Jeanne  Gabrielle dite en famille Chérie POYEN  épouse (ou 
plus  probablement  veuve) de Maximilien  comte  d'OLONNE, 
colonel, mariés vers 1791.
Nota :  les HURAULT de LIGNY, BOYER de L'ETANG et d'OLONNE 
étaient alliés par les POYEN.  L'auteur de la lettre était 
l'oncle maternel de Chérie Poyen (Mme d'Olonne).
(14)  BARBIER DESMARAIS :  famille de Goyave et de  Petit-
Bourg.  BARBIER DESMARAIS,  "planteur, commandant en chef" 
est  sur  la  liste des  "personnes  prévenues  de  délits 
contre-révolutionnaires" de 1793, à Petit-Bourg.
 
Sources  :  registres paroissiaux;  "Sources de l'histoire 
des  Antilles"  (A.N.);  "Histoire et dictionnaire  de  la 
Révolution française" (collection Bouquins,  R.  Laffont); 
"Histoire  de  la Guadeloupe",  tome II de Lacour  et  son 
index par B.  et Ph. Rossignol; "Généalogie des HURAULT de 
Lorraine et de Guadeloupe" par Marius Cardinale (CGHIA). 
  Voir  aussi "La perte et la reconquête de la  Guadeloupe 
en 1794" par J. Barreau (Soc. Hist. Gpe n° 28, 1976).

COLLOQUE : L'homme, la santé et la mer

(signalé par Claude Thiébault)

     Institut catholique, 21 rue d'Assas 75006 Paris
Organisé  par la Faculté des Lettres de l'Institut  Catho- 
lique (sous la direction de Christian Buchet,  vice-doyen) 
et  le Laboratoire d'Histoire et d'Archéologie  Maritimes, 
avec le concours de la Marine nationale.
 sur invitation (Mme F. Lecerf, 44 39 52 00, poste 5399)
                   5 et 6 décembre 1995

Du Moyen-Age à l'époque contemporaine,  dont (5 apr. midi) 
"L'époque moderne" :  problèmes sanitaires sur les navires 
négriers,  sur  les navires marchands au 18e,  les  pertes 
dans les Caraïbes,  etc. (MM Deveau, Butel, Buchet,  Huetz 
de Lemps, Haudrère, Verge-Franceschi, Cabantous...)






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