G.H.C. Bulletin 96 : Septembre 1997 Page 2056

La mort de M. le vicomte de MORTEMART à St-Domingue
communiqué par Pierre Jourdan


                         Au Cap le 29 mars 1783
En marge : M. de BELLECOMBE, n° 170. Arrivée de la frégate 
     du roi,  La Nymphe, au Port-au-Prince, et de l'Amphi- 
     trite   à  Porto-Rico.   Mort  de  M. de   MORTEMART, 
     commandant La Nymphe,  au Port-au-Prince, le 18 mars. 
     Disposition de M.  SERCEY, commandant actuel de cette 
     frégate, pour se rendre au Cap.  

     Le  roi  vient  de perdre un  excellent  officier  de 
marine, M. le vicomte de MORTEMART, qui, dans moins de six 
jours, a succombé à une de ces maladies violentes que l'on 
éprouve à St-Domingue.  Il s'y trouvait en relâche au Port 
au  Prince  par  la suite d'un événement qui ajoute  à  sa 
gloire et à l'intérêt qu'il avait généralement inspiré par 
sa conduite à l'affaire du 12 avril.
     La  Nymphe qu'il commandait et  l'Amphitrite,  montée 
par M.  de ST-OURS, croisant dans le canal de Sombrero aux 
Isles  du  Vent,  avoient  enlevé le  vaisseau  de  guerre 
anglais l'Argo,  de 50 canons,  le 17 février.  Il y avait 
environ cent hommes des deux frégates occupés à l'amariner 
et à réparer lorsque des forces supérieures obligèrent MM. 
de  ST-OURS et de MORTEMART d'abandonner leur prise et  de 
prendre  chasse  dans  des  directions  différentes   pour 
diviser  l'ennemi.  Cette  manoeuvre  leur a  réussi  pour 
sauver les frégates du roi mais l'Argo a été repris sur le 
champ,  n'ayant pu faire de voiles.  La chasse de l'Amphi- 
trite  l'a conduite à Porto Rico où elle a été suivie  par 
un  vaisseau  anglais jusques à deux lieues  du  port.  La 
Nymphe qui avait pris chasse sous le vent était venue  par 
le sud de l'isle au Port au Prince.
     Aussitôt  que  M.  VINCENT m'eut rendu compte de  son 
arrivée,  j'écrivis à M.  de MORTEMART pour l'engager à se 
rendre  au  Cap  où je n'avois pas  un  seul  bâtiment  de 
guerre;  sa  frégate  avoit des réparations à faire  à  sa 
mâture  et  à son grément et,  comme il lui  manquait,  en 
outre, 50 hommes d'élite laissés sur l'Argo, j'avois auto- 
risé  M.  de  MORTEMART à envoyer proposer à  la  Jamaïque 
l'échange des prisonniers de l'Argo pour pareil nombre des 
siens ou d'autres matelots françois.
     Il  ne  s'est  passé  qu'un  courrier  sans  que  cet 
officier  m'ait  donné de ses nouvelles  et,  le  courrier 
suivant,  j'ai  appris  qu'il avoit été  emporté  par  une 
fièvre  maligne en moins de six jours.  Il est  universel- 
lement  regretté comme un officier de la plus grande espé- 
rance.  M.  le marquis de SERCEY,  qui se trouve commander 
cette  frégate,  va se rendre ici incessamment et,  si  le 
parlementaire  que  M.  de  MORTEMART a  expédié  pour  la 
Jamaïque tarde trop,  il espère trouver sur les  vaisseaux 
de commerce quelques matelots pour renforcer son équipage.
     Quoique  cette frégate paroisse plus particulièrement 
destinée pour les Isles du Vent, j'ai pensé que, le hasard 
l'ayant  poussée  jusques sur cette côte qui n'a  pas  une 
chaloupe  en  ce moment pour protéger le  cabotage  et  le 
transport  des objets de première nécessité,  je ne devois 
pas  hésiter  de prendre sur moi de  la  retenir,  sachant 
qu'elle n'étoit pas aussi indispensablement nécessaire aux 
Isles  du  Vent  où  il y a des  vaisseaux  de  guerre  et 
d'autres frégates en station.
               Je suis avec respect, Monseigneur,
               Votre très humble et obéissant serviteur.
                              BELLECOMBE

 (Texte de quatre feuillets,  en provenance du Cap, dans le 
registre paroissial du Port-au-Prince)

                   Note De La Rédaction

Les  faits se passent en pleine Guerre d'Indépendance  des 
Etats-Unis et "l'ennemi" est alors synonyme d'anglais.
"L'affaire du 12 avril" (1782),  c'est le combat naval des 
Saintes. 
Dans  la  correspondance  des  gouverneurs  de  Martinique 
(C8a/83),  le marquis de BOUILLÉ, alors gouverneur général 
des Isles du Vent (Martinique, Guadeloupe), rend compte en 
janvier  de  la prise de la corvette La Cérès  par  M.  de 
MORTEMART  et  des  "excellents services  rendus  par  cet 
officier"  puis annonce le 5 février que M.  de  Mortemart 
est parti au-devant de l'escadre de d'ESTAING.
Victurnien   Henri  Elzéar  de  ROCHECHOUART  vicomte   de 
MORTEMART,  né en 1757,  était fils du duc de MORTEMART et 
il avait commencé à servir comme garde marine à Rochefort 
le 18 mai 1771.
Pierre César Charles Guillaume,  chevalier puis marquis de 
SERCEY,  était  né  le 26 avril 1753 au  château  du  Jeu, 
paroisse de La Comelle sous Beuvray diocèse d'Autun;  fils 
de messire Jean Jacques de SERCEY comte du JEU et de  dame 
Marie Marguerite DUCREST, il avait commencé à servir comme 
garde  marine  à Brest le 1er février 1770.  Il  deviendra 
contre amiral le 1er janvier 1795 et, retraité en 1804, se 
retirera à l'Ile de France (Maurice).
François  Gaspard de SAINT-OURS commença le service  comme 
garde marine à Toulon le 22 mai 1757. Il mourra, âgé de 46 
ans environ, à Moirans (Dauphiné), le 6 novembre 1786.
Enfin,  Guillaume Léonard de BELLECOMBE (cf.  GHC p. 1862, 
97-35)  qui s'approprie une frégate destinée aux Isles  du 
Vent,  était gouverneur de St-Domingue,  Isle Sous le Vent 
(1782-1785).  Il était arrivé de France sur la frégate  La 
Néréide,   avec  l'intendant Alexandre Jacques de BONGARS, 
et avait fait escale à la Martinique fin janvier 1782;  il 
y   avait  été  auparavant  aide-major  des   troupes   et 
connaissait donc bien la situation "privilégiée" des Isles 
du Vent avec ses vaisseaux en station.
Il ne semble pas  que le ministre ait confirmé la décision 
de M.  de Bellecombe car La Nymphe,  sortie de Brest le 25 
juillet 1782,  y rentra le 10 juillet 1783 :  M. de SERCEY 
fit  le  retour  chargé de l'escorte d'un  convoi  et  "en 
témoignage  de  sa satisfaction,  le roi lui  accorda  une 
pension de 300 lt qu'il accompagna d'une lettre flatteuse". 

Source :  
- "Inventaire  de  la  série Colonies C8" et  "Sources  de 
l'histoire  de l'Amérique latine et des Antilles dans  les 
archives françaises", Archives nationales 1984. 
- Marine :  Répertoire C/1; C/6/820 (rôle d'équipage de La 
Nimphe -sic-, 1782-1783); C/7/307 (SERCEY)

TROUVAILLES

de Jacques Ameil :  Au Minutier central

Je  signale le testament du sieur SOLEILHET,  habitant  de 
Port-au-Prince (MC/LXXIII/981, 13 février 1777)


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